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Les 10 nouvelles perspectives en sciences du climat 2023-2024

5 février 2024

Temps de lecture : 104 minutes

Chaque année, Future Earth, The Earth League et le Programme mondial de recherches sur le climat réunissent d’éminents chercheurs du monde entier pour passer en revue les résultats d’une importance capitale de la recherche sur le climat. Cette collaboration mène à la publication des 10 nouvelles perspectives en sciences du climat, sous la forme de deux produits distincts : un article scientifique évalué par les pairs, et un rapport stratégique, qui fournit une riche synthèse, utile aux décideurs politiques, mais aussi à la société dans son ensemble. Les données scientifiques sur lesquelles repose le rapport de cette année ont été publiées entre janvier 2022 et juin 2023.

Pour les décideurs politiques qui doivent faire face au défi urgent que représente la crise climatique, l’édition 2023-2024 de 10 nouvelles perspectives en sciences du climat offre des orientations crédibles pour 2024 et au-delà.

Pour en savoir plus ou pour accéder à la version originale en anglais de ce rapport, visitez : 10insightsclimate.science

Vous pouvez également regarder notre vidéo pour une discussion animée en français sur ces 10 nouvelles perspectives en sciences du climat 2023-2024.

Couverture du rapport : 10 nouvelles perspectives en sciences du climat 2023-2024

Traduction : Cette traduction française de l’édition 2023-2024 a été réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia, la Durabilité à l’Ère Numérique et le pôle canadien de Future Earth avec l’apport financier des Fonds de recherche du Québec (FRQ) et du Leadership en innovation environnementale, numérique et durable (LIEN-D).

Citation : Future Earth, The Earth League, PMRC. Les 10 nouvelles perspectives en sciences du climat 2023-2024. Stockholm, 2023. https://doi.org/10.5281/zenodo.10594305

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LES PERSPECTIVES EN BREF

Perspective 1

Le dépassement de 1,5 °C devient rapidement inévitable. Il est essentiel de réduire l’ampleur et la durée de ce dépassement. De multiples sources indiquent qu’en raison de l’insuffisance des mesures d’atténuation des gaz à effet de serre (GES), il n’existe aucune solution permettant d’éviter un réchauffement planétaire de plus de 1,5 °C pendant au moins quelques décennies, sauf en cas de transformations véritablement radicales. Il est essentiel de réduire au minimum l’ampleur et la durée de la période de dépassement pour limiter les pertes et les dommages ainsi que le risque de changements irréversibles.

Perspective 2

Une élimination rapide et bien gérée des combustibles fossiles est nécessaire pour rester dans la fourchette des objectifs de l’accord de Paris. La diminution rapide du budget carbone signifie que les gouvernements et le secteur privé doivent cesser d’autoriser de nouveaux projets liés aux combustibles fossiles, accélérer la retraite des infrastructures existantes et accélérer le rythme de déploiement des énergies renouvelables. Les pays à hauts revenus doivent mener la transition et soutenir les pays à faibles revenus. Tous les pays doivent poursuivre une transition équitable et juste, en minimisant les impacts socio-économiques sur les segments les plus vulnérables de la population.

Perspective 3

Des politiques solides sont essentielles pour atteindre l’échelle nécessaire à l’élimination efficace du dioxyde de carbone (EDC). Bien qu’elle ne remplace pas les réductions rapides et profondes des émissions, l’EDC sera nécessaire pour faire face aux émissions difficiles à éliminer et, à terme, pour réduire la température mondiale. L’EDC actuelle provient principalement de la forêt, mais une accélération rapide et un déploiement à grande échelle d’autres méthodes d’EDC avec une élimination permanente du CO₂, soutenus par une gouvernance plus forte et un meilleur suivi, sont nécessaires.

Perspective 4

Une dépendance excessive à l’égard des puits de carbone naturels est une stratégie risquée : leur contribution future est incertaine. Jusqu’à présent, les puits de carbone terrestres et océaniques se sont développés parallèlement à l’augmentation des émissions de CO₂, mais les recherches révèlent une incertitude quant à la manière dont ils réagiront à un changement climatique supplémentaire. Les puits de carbone pourraient bien absorber moins de carbone à l’avenir que ne le laissent présager les évaluations actuelles. Par conséquent, les efforts de réduction des émissions sont une priorité immédiate, tandis que les solutions fondées sur la nature ont un rôle complémentaire dans la compensation des émissions difficiles à réduire.

Perspective 5

Une gouvernance conjointe est nécessaire pour faire face aux urgences interdépendantes du climat et de la biodiversité. Les conventions internationales sur le changement climatique et la biodiversité (la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et la Convention sur la diversité biologique, respectivement) doivent être mieux alignées. Veiller à ce que l’allocation des fonds climatiques soit assortie de garanties positives pour la nature et renforcer la collaboration concrète entre les conventions sont des exemples d’actions clés dans la bonne direction.

Perspective 6

Les événements combinés amplifient les risques climatiques et augmentent leur incertitude. Les « événements combinés » désignent la combinaison de plusieurs facteurs et/ou dangers (simultanément ou successivement). Leurs impacts peuvent être plus importants que la somme des événements individuels. Il est essentiel d’identifier les événements combinés spécifiques, et de s’y préparer pour assurer une gestion robuste des risques et un soutien dans les situations d’urgence.

Perspective 7

La fonte des glaciers de montagne s’accélère. La déglaciation secondaire au changement climatique est encore plus rapide dans les zones de haute montagne, y compris l’Hindu Kush Himalaya et les régions polaires. Cela menace les populations en aval (environ 2 milliards de personnes) de pénuries d’eau à long terme et expose les montagnards à des risques accrus, tels que des crues soudaines.

Perspective 8

L’immobilité humaine dans les zones exposées aux risques climatiques augmente. Les personnes confrontées aux risques climatiques peuvent être incapables de se déplacer ou réticentes à le faire. Les cadres institutionnels existants ne tiennent pas compte de l’immobilité et sont insuffisants pour prévoir les besoins de ces populations ou y répondre.

Perspective 9

De nouveaux outils pour opérationnaliser la justice permettent une adaptation climatique plus efficace. Le suivi des différentes dimensions de la justice et leur intégration dans la planification et l’évaluation stratégiques de l’adaptation au climat peuvent renforcer la résilience au changement climatique et réduire le risque de maladaptation.

Perspective 10

La réforme des systèmes alimentaires peut contribuer à une action climatique juste. Les systèmes alimentaires ont un rôle clé à jouer dans l’action climatique, avec des options d’atténuation viables allant de la production à la consommation. Toutefois, les interventions doivent être conçues pour que l’équité et la justice soient des résultats interdépendants. La mise en œuvre des mesures d’atténuation doit être effectuée de manière inclusive avec diverses parties prenantes à différents niveaux.

INTRODUCTION

Après des décennies de mesures insuffisantes à atténuer les émissions de GES, le monde est en voie de dépasser l’objectif dont il avait été convenu à l’échelle internationale, soit de limiter à 1,5 °C le réchauffement climatique, comme il est inscrit dans l’Accord de Paris. Les engagements nationaux en matière d’atténuation ne permettront pas même d’éviter un réchauffement de 2 °C, entraînant des risques inacceptables pour les sociétés humaines et les écosystèmes, assortis de coûts importants, mais inégalement répartis. Il s’agit là d’un pari dangereux qui pourrait avoir des conséquences irréversibles sur la vie sur Terre, notamment une perte dévastatrice de la biodiversité et un risque croissant d’atteinte des points de basculement climatiques. Jusqu’à présent, en 2023, le monde a été témoin d’événements météorologiques extrêmes dévastateurs attribuables aux changements climatiques, notamment de gigantesques incendies qui ont ravagé le Canada de mai à juillet, des précipitations extrêmes et des inondations en Bulgarie, en Grèce, en Libye, en Espagne et en Turquie en septembre, ainsi que des vagues de chaleur extrêmes en Europe, en Asie et dans les Amériques.

Cette année, nous expliquons l’inévitabilité imminente d’un réchauffement climatique supérieur à 1,5 °C (perspective 1), situation qui entraînera une augmentation importante des risques et de l’incertitude. Nous attirons l’attention sur la diminution rapide du budget carbone et soulignons la nécessité inéluctable d’une élimination progressive, bien gérée et équitable, des combustibles fossiles (perspective 2). Compte tenu de l’importance de l’élimination du dioxyde de carbone (EDC) pour atteindre l’objectif de température à long terme, nous décrivons les défis liés à son déploiement à grande échelle, à la comptabilisation et à la gouvernance (perspective 3). Cette question est d’autant plus pressante compte tenu des incertitudes majeures révélées par la recherche quant à la mesure dans laquelle le réchauffement climatique influe négativement sur les puits de carbone naturels (perspective 4). Voilà qui pourrait compliquer les efforts de stabilisation et d’inversion des températures, ce qui vient encore renforcer l’urgence de décarboner l’économie mondiale et de faire preuve de lucidité quant au rôle réaliste des méthodes d’EDC.

Les recherches présentées en ces pages donnent à penser que le seuil de 1,5 °C est en voie d’être dépassé, à court terme (à moins de transformations vraiment radicales). Les risques que nous décrivons constituent un appel pressant à limiter le dépassement, à la fois en ampleur (combien) et en durée (pendant combien de temps), tout en continuant à agir pour l’éviter. De nouveaux projets d’expansion des infrastructures de combustibles fossiles, y compris des « bombes à carbone », bien que clairement incompatibles avec l’Accord de Paris, sont toujours approuvés par les parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et à l’Accord de Paris. Les attentes pour la COP28 tourneront autour de l’élimination progressive des combustibles fossiles, objectif intégré dans les mandats de plusieurs gouvernements et défendu par le secrétaire général des Nations unies dans le cadre du programme d’accélération du sommet 2023 sur l’ambition climatique. Pour être fructueuses, ces négociations doivent déboucher sur un financement de la lutte contre les changements climatiques à l’appui de transitions justes dans les pays à revenu faible et intermédiaire.

Dans le présent rapport, nous soulignons les liens entre perte de biodiversité et changements climatiques, qui nécessitent une coopération institutionnelle efficace pour mettre en œuvre des solutions synergiques (perspective 5). Face à l’accroissement des incidences et des vulnérabilités climatiques, le rapport de cette année présente des avancées dans la compréhension scientifique des « événements combinés » (perspective 6) et de l’accélération de la fonte des glaciers de montagne (perspective 7), deux questions que nous considérons comme prioritaires pour la planification de l’adaptation, en particulier en raison de leurs effets sur la sécurité alimentaire et hydrique. L’urgence de l’atténuation se trouve renforcée par l’urgence de l’adaptation, en particulier pour les régions et les segments de la société les plus vulnérables. Cette urgence ne saurait toutefois justifier l’imposition de contraintes aux communautés locales.

Nous abordons également cette année (perspective 8) l’immobilité face aux risques climatiques, afin de mettre en lumière une dimension souvent négligée de la relation complexe entre la mobilité humaine et les changements climatiques. Les deux dernières perspectives portent sur la nécessité, pour l’action climatique, de tenir compte de la myriade de sources et d’effets interreliés des changements climatiques, ainsi que des cobénéfices potentiels : intégrer, opérationnaliser et centrer la justice dans la planification de l’adaptation au climat, en soulignant le rôle clé des efforts d’adaptation menés au niveau local (perspective 9), et transformer les systèmes alimentaires pour réduire les émissions de GES, tout en renforçant la sécurité alimentaire et la conservation de la biodiversité, ce qui ne sera possible que si la justice est placée au premier plan (perspective 10).

Le bilan mondial devrait, tout en reconnaissant les tendances inquiétantes résultant d’une action climatique insuffisante jusqu’à présent, renforcer l’engagement international en faveur de l’atténuation afin d’éviter un dépassement durable et de maintenir le réchauffement maximal à un niveau aussi proche de 1,5 °C que possible. Nous espérons que le rapport Les 10 nouvelles perspectives en sciences du climat de cette année se trouvera reflété dans les résultats de la COP28 :

  1. Menant à l’adoption de mesures sans ambiguïté en vue d’engagements clairs pour une élimination progressive bien gérée de tous les combustibles fossiles, parallèlement à la reconnaissance des risques d’un dépassement prolongé, des incertitudes quant à l’avenir des puits de carbone naturels et des défis qui restent à relever pour concrétiser le rôle complémentaire de l’EDC.
  2. Venant renforcer le soutien international aux plans d’adaptation et de préparation face aux risques émergents qui résultent des niveaux actuels et prévus de réchauffement de la planète.
  3. Faisant ressortir l’importance de la transformation des systèmes alimentaires en tant que moteur essentiel de l’action et de la justice climatiques.
  4. Contribuant à une meilleure intégration des changements climatiques et de la biodiversité dans les programmes politiques internationaux, tout en promouvant une transformation holistique et équitable des systèmes, fondée sur l’interconnexion des défis auxquels la vie sur Terre est confrontée.

Toutes les déclarations contenues dans le présent rapport se fondent sur l’article suivant et les références y figurant : Bustamante, M., Roy, J., Ospina, D., et coll.   « Ten New Insights in Climate Science 2023/2024. », Global Sustainability.

LES PERSPECTIVES

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1 – Le dépassement de 1,5 °C devient rapidement inévitable. Il est essentiel de réduire l’ampleur et la durée de ce dépassement

POINTS CLÉS

  • Un réchauffement climatique supérieur à 1,5 °C comporte des risques qui empirent à mesure que la température augmente. Les conséquences pour l’homme et les écosystèmes s’aggravent en fonction de l’ampleur et de la durée de la période de dépassement (c’est-à-dire de combien le réchauffement dépasse 1,5 °C, et pendant combien de temps). Les incidences comprennent les pertes et les dommages dus à l’exposition aux vagues de chaleur et à d’autres événements extrêmes, en particulier dans les pays tropicaux, ainsi qu’une perte accélérée de la biodiversité.
  • Il faut à tout prix limiter l’ampleur du dépassement, de même que sa durée. Un dépassement de plusieurs décennies comporte des risques importants de changements irréversibles du climat régional. Il existe également un risque considérable qu’un réchauffement supérieur à 1,5 °C sur une longue période déclenche des rétroactions autoentretenues, déstabilisant les calottes glaciaires du Groenland ou de l’Antarctique occidental, ce qui entraînerait leur perte presque totale et irréversible sur plusieurs millénaires et une élévation de plusieurs mètres du niveau de la mer.
  • À court terme, limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale à 1,5 °C ne serait possible qu’avec une action transformatrice immédiate pour décarboner rapidement l’économie, l’énergie et les systèmes d’utilisation des terres en réduisant de 43 % les émissions d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019. Les efforts d’atténuation devront également être complétés par des méthodes d’EDC soigneusement sélectionnées à grande échelle (perspective 3).

LA PERSPECTIVE EXPLIQUÉE

Des données récentes montrent que nous ne sommes pas sur la bonne voie pour maintenir le réchauffement climatique à 1,5 °C ou en deçà, et que nous nous écartons de la trajectoire qui eut permis de nous conformer à l’Accord de Paris. Si nous continuons à émettre des GES au rythme actuel, nous épuiserons notre budget carbone pour un réchauffement de 1,5 °C dans les six ou sept prochaines années. Pleinement mises en œuvre, les politiques actuelles se traduiraient par un réchauffement des températures mondiales bien supérieur à 2 °C d’ici la fin du siècle. Même si nous devions respecter tous les engagements nationaux à court et à long terme en matière de climat, le réchauffement serait presque certainement supérieur à 1,5 °C.

Le réchauffement maximal de la planète dépend directement des émissions cumulées de CO₂, et cette relation détermine le budget carbone restant pour les limites de températures définies dans l’Accord de Paris. La mesure dans laquelle les émissions de CO₂ cumulées dépassent le budget carbone compatible avec un réchauffement de 1,5 °C détermine l’ampleur du dépassement. La durée de la période de dépassement est quant à elle déterminée par le temps qu’il faudra pour parvenir à des émissions nettes de CO₂ négatives et réduire ainsi les concentrations de CO₂ dans l’atmosphère (voir l’encadré « Dans la mire »). L’ampleur et la durée du dépassement détermineront l’étendue des incidences climatiques, pendant la période de dépassement et par la suite.

Les gouvernements, les entreprises et les autres acteurs doivent désormais s’efforcer de réduire dans toute la mesure du possible l’ampleur et la durée du dépassement, tout en continuant à agir pour l’éviter. Bien que la mise en œuvre de solides mesures d’atténuation au cours de cette décennie pour réduire le dépassement s’accompagne de défis à court terme, le report d’une action décisive au-delà de 2030 pose des problèmes de faisabilité en raison de la volatilité et de l’incertitude engendrées par des incidences climatiques plus importantes (en particulier dans les pays à faible revenu). Pour faire baisser les températures suivant l’atteinte du dépassement maximal, il faudra que chaque tonne de CO₂ dépassant le budget carbone pour 1,5 °C soit éliminée de l’atmosphère au moyen de technologies d’EDC, ce qui pourrait s’avérer impossible en raison du coût élevé de ces technologies ou inacceptable à grande échelle, du fait de leurs incidences sociales et écologiques (voir la perspective 3).

Les incidences généralisées et potentiellement irréversibles s’aggravent lorsque l’ampleur et la durée du dépassement augmentent. L’exposition à des événements extrêmes tels que les vagues de chaleur exacerbera la perte de biodiversité et les dommages économiques, en particulier dans les pays tropicaux. Des effets irréversibles sont particulièrement probables pour la biodiversité marine, les espèces se voyant confrontées, après le dépassement, à la pression supplémentaire d’une acidification prolongée des océans. Un dépassement de plusieurs dizaines d’années aurait un effet durable sur le système terrestre. Cela s’explique par la lenteur avec laquelle certains éléments clés du système terrestre réagissent aux changements de température.

Dans certaines régions, il pourrait falloir plusieurs centaines d’années avant que la température de l’air en surface et les précipitations reviennent aux valeurs antérieures au dépassement. Parmi les autres changements irréversibles (sur plusieurs siècles, voire davantage) figurent la libération de carbone du pergélisol, l’élévation du niveau de la mer, du fait de la dilatation thermique des océans, la fonte des nappes glaciaires et les modifications de l’acidité, de l’oxygénation et de la température des océans.

En outre, un réchauffement de plus de 2 °C sur une longue période risque fort de déclencher des rétroactions autoentretenues conduisant à des instabilités des inlandsis ou des glaciers de montagne du Groenland ou de l’Antarctique occidental, largement irréversibles même sur des échelles de plusieurs siècles à plusieurs millénaires. Il pourrait en résulter une élévation de plusieurs mètres, à long terme, du niveau de la mer, entraînant la perte de terres, de moyens de subsistance et d’éléments de patrimoine culturel dans les collectivités côtières et les petits États insulaires, ainsi qu’une dégradation irréversible d’espèces de récifs coralliens des latitudes moyennes.

Figure 1. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 1. Illustration stylisée d’un scénario de dépassement de la température (ligne rouge) et de ses risques par rapport à un scénario de non-dépassement (ligne jaune) en vertu duquel la température se stabiliserait à 1,5 °C grâce à des réductions rapides des émissions et à l’atteinte d’émissions nettes nulles. Il se pourrait que la température du scénario de dépassement ne revienne pas à 1,5 °C à l’atteinte des mêmes émissions cumulées que le scénario de non-dépassement, en raison des rétroactions et des délais de réponse des éléments constitutifs du système terrestre. Soulignons par ailleurs que les éléments de basculement à risque d’instabilité dans le panneau supérieur1 correspondent uniquement aux niveaux de réchauffement planétaire, et non à l’axe temporel.

1 Données pour l’évaluation des risques liés aux éléments de basculement : Armstrong McKay et coll. « Exceeding 1.5 °C global warming could trigger multiple climate tipping points. », Science, vol. 377, no 6611 (2022), eabn7950. doi : 10.1126/science.abn7950

DANS LA MIRE : IL EST ESSENTIEL DE PARVENIR À LA NEUTRALITÉ CARBONE POUR CONTENIR LE NIVEAU DE RÉCHAUFFEMENT MAXIMAL

La capacité du monde à faire baisser la température après un réchauffement supérieur à 1,5 °C, par rapport à l’ère préindustrielle, dépend de l’élimination de plus de CO₂ dans l’atmosphère que nous n’en émettons, ou d’émissions de CO₂ nettes négatives. D’importantes questions restent en suspens quant à la faisabilité, aux risques et à l’efficacité de l’EDC à grande échelle, de sorte que l’obtention d’émissions nettes négatives est loin d’être acquise. À supposer que nous y parvenions, il faudra encore attendre plusieurs années avant que le climat ne se refroidisse, en raison des décalages dans le cycle du carbone et de la réponse thermique.

Il existe également un risque que, lors d’un dépassement, la libération de GES par les puits de carbone naturels soit déclenchée de façons n’ayant encore pu être prédites avec certitude à ce jour. Déjà, on observe dans le monde entier des cas de mortalité élevée des arbres par suite de sécheresses et de vagues de chaleur (voir la perspective 4). Cela pourrait prolonger le dépassement et augmenter le risque d’effets irréversibles, ainsi que leur ampleur potentielle.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

Si le réchauffement excède 1,5 °C, ce qui est désormais probable au vu des mesures passées et présentes, les décideurs devraient continuer à s’efforcer de le limiter à un niveau aussi proche que possible de 1,5 °C. Il est essentiel d’enrayer la hausse : chaque fraction de degré compte.

  • Les gouvernements devraient s’employer d’urgence à combler l’écart d’émissions par rapport aux objectifs climatiques de l’Accord de Paris, par l’adoption de mesures concrètes dans le cadre des contributions nationales précédemment déterminées – avec des détails propres à chaque secteur pour la diminution à court terme des émissions. Il convient néanmoins de se préparer aux conséquences d’un dépassement supérieur à 1,5 °C, qui seront géographiquement inégales et, dans certains cas, irréversibles.
  • Les gouvernements devraient mettre en œuvre d’urgence des politiques visant à catalyser des mesures d’atténuation systémiques, principalement l’élimination progressive des combustibles fossiles (voir la perspective 2), et des transformations dans d’autres secteurs (voir la perspective 10), afin de limiter le degré de dépassement et ses effets néfastes.
  • L’action collective mondiale en faveur de la carboneutralité déterminera le niveau de réchauffement maximal de la planète, ainsi que les coûts et les incidences climatiques qui y sont associés. Les pays à revenu élevé devraient prendre l’initiative de fixer des objectifs d’émissions nettes négatives et de mettre en œuvre des mesures en conséquence. Ce serait là essentiel pour faire baisser les températures et limiter la durée du dépassement et les risques connexes qui s’accumulent.

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2 – Une élimination rapide et bien gérée des combustibles fossiles est nécessaire pour rester dans la fourchette des objectifs de l’accord de Paris

POINTS CLÉS

  • Les émissions de CO₂ « attendues » des infrastructures de combustibles fossiles existantes dépassent le budget carbone restant selon la fourchette de températures cibles de l’accord de Paris. Pourtant, les gouvernements, les entreprises et les investisseurs continuent à développer les infrastructures de production et de consommation de combustibles fossiles.
  • Ces investissements risquent de créer des actifs délaissés d’une valeur de plusieurs billions de dollars et de compromettre les efforts de décarbonation.
  • Les gouvernements devraient mettre en œuvre une élimination progressive, bien gérée et équitable, de la production et de la consommation de combustibles fossiles, en promouvant la cohérence des politiques et en veillant à une transition énergétique accélérée et juste à mesure que nous développons les systèmes d’énergie renouvelable.
  • Tout retard supplémentaire nécessiterait des efforts encore plus ambitieux par la suite, accroissant le coût et le caractère perturbateur de l’inévitable transition énergétique.

LA PERSPECTIVE EXPLIQUÉE

Les efforts déployés par le passé pour atténuer les effets du changement climatique n’ont pas suffi à permettre l’élimination progressive des combustibles fossiles de nos systèmes énergétiques et leur remplacement par des sources d’énergie propres à la vitesse nécessaire pour arrêter un réchauffement planétaire dangereux. Les émissions de CO₂ d’origine fossile ont atteint des niveaux record en 2021-2022, tout comme les subventions publiques aux combustibles fossiles. Les émissions de CO₂ attendues pendant la durée de vie des infrastructures existantes de production et de consommation de combustibles fossiles dépassent déjà le budget carbone restant pour avoir une chance sur deux de limiter le réchauffement à long terme à 1,5 °C (voir la perspective 2). Malgré tout, les gouvernements et les entreprises du monde entier prévoient toujours l’extraction de combustibles fossiles en quantité bien supérieure à ce qu’il faudrait pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, et nombre d’entre eux vont même jusqu’à développer leur infrastructure de combustibles fossiles. Le développement de toute nouvelle infrastructure fossile à longue durée de vie est totalement incompatible avec la limitation du réchauffement à 1,5 °C, et risque de créer des billions de dollars d’actifs délaissés (voir l’encadré Dans la mire).

La perte potentielle d’actifs dans le secteur de l’extraction du pétrole et du gaz est estimée à plus de 1 billion de dollars américains. Les gouvernements sont directement exposés à ce risque, par l’intermédiaire des sociétés publiques, des taxes et des redevances, mais aussi indirectement, compte tenu des renflouements qui pourraient s’avérer nécessaires à la stabilisation du système financier. Les gouvernements et les institutions financières doivent donc activement planifier et mettre en œuvre l’élimination progressive des combustibles fossiles tout en accélérant l’introduction progressive des énergies renouvelables, en vue d’une transition énergétique globale et coordonnée.

Les défis liés à l’élimination progressive des combustibles fossiles à l’échelle mondiale se trouvent cependant compliqués par un certain nombre de facteurs, tout particulièrement :

  • des considérations géopolitiques liées à la sécurité énergétique;
  • la pauvreté énergétique, en particulier dans les pays à faible revenu, et l’insuffisance du soutien international à la diversification ou au passage à des systèmes énergétiques propres et à des voies de développement de substitution;
  • la forte dépendance de nombreux pays à l’égard des revenus tirés des combustibles fossiles;
  • les intérêts des combustibles fossiles qui continuent de miner, de retarder, voire de bloquer l’action climatique au moyen de campagnes de lobbying, d’écoblanchiment et de désinformation.

Ces dernières années, plusieurs gouvernements et institutions internationales se sont engagés à réduire progressivement la production et la consommation de combustibles fossiles, ainsi que les investissements connexes. Il s’agit notamment de la Powering Past Coal Alliance, de la Beyond Oil & Gas Alliance, de la Fossil Fuel Non-Proliferation Treaty Initiative et du Clean Energy Transition Partnership (« Déclaration de Glasgow »). Bon nombre des plus grands producteurs et consommateurs de charbon, de pétrole ou de gaz au monde n’ont cependant pas encore adhéré à de telles initiatives.

Une autre évolution positive est que plusieurs gouvernements se sont récemment retirés du Traité sur la Charte de l’Énergie; il s’agit là d’une étape importante pour empêcher les entreprises de combustibles fossiles d’utiliser le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États prévus par les traités pour protéger leurs investissements en poursuivant les gouvernements qui agissent de façon décisive pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur. Selon les estimations, les demandes d’indemnisation adressées aux gouvernements par des investisseurs pétroliers et gaziers grâce à ces mécanismes pourraient atteindre 340 milliards de dollars américains.

Les énergies renouvelables sont désormais la forme d’énergie la moins chère dans la plupart des régions du monde, et de nombreuses recherches tracent des voies pour parvenir à un système énergétique propre, résilient et inclusif à l’échelle mondiale. Les gouvernements doivent donc orienter tous leurs efforts vers l’élimination progressive de tous les combustibles fossiles et l’augmentation des énergies renouvelables. Les efforts doivent garantir l’accès à l’énergie et le caractère abordable de celle-ci, et viser à réduire dans toute la mesure du possible les répercussions sur les communautés et les travailleurs qui dépendent des combustibles fossiles. Une transition mondiale équitable devrait également reconnaître les responsabilités et les capacités différenciées des pays.

Figure 2. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 2. Émissions de CO₂ liées aux infrastructures de combustibles fossiles comparées aux budgets carbone reflétant la fourchette d’objectifs de l’accord de Paris. Les barres indiquent les émissions futures résultant de l’exploitation, pendant toute leur durée de vie, des infrastructures d’extraction de combustibles fossiles2 et des infrastructures de consommation de combustibles fossiles3, ainsi que les « bombes à carbone » envisagées4, définies comme des projets d’extraction de combustibles fossiles dont les émissions pendant toute leur durée de vie dépassent 1 GtCO₂. Ces chiffres sont comparés au budget carbone restant au début de 20235. Les lignes jaunes en pointillé reflètent l’incertitude liée à la possibilité que certains nouveaux projets d’infrastructure soient annulés.

2 Données de : Trout et coll.   « Existing fossil fuel extraction would warm the world beyond 1.5 °C. », Environmental Research Letters, vol. 17, no 6 (2022), p. 1 à 12. doi:10.1088/1748-9326/ac6228

3 Données de : Trout et coll.   « Committed emissions from existing energy infrastructure jeopardize 1.5 °C climate target. », Nature, vol. 572, no 7769 (2019), p. 373 à 377. doi:10.1038/s41586-019-1364-3

4 Données de : Kühne et coll.   « “Carbon Bombs”—Mapping key fossil fuel projects. », Energy Policy, vol. 166 (2022), p. 1 à 10. doi:10.1016/j.enpol.2022.112950

5 Selon : Forster et coll.   « Indicators of Global Climate Change 2022: annual update of large-scale indicators of the state of the climate system and human influence. », Earth System Science Data, vol. 15, no 6 (2023), p. 2295 à 2327.

DANS LA MIRE : DÉLAISSEMENT D’ACTIFS, RISQUES FINANCIERS ET FREIN À LA DÉCARBONATION

La longue durée de vie opérationnelle de nombreux actifs liés aux combustibles fossiles (jusqu’à 60 ans pour certaines infrastructures) constitue un problème majeur pour une élimination rapide de ces combustibles. Le délaissement d’actifs survient lorsque l’entreprise fait face à une dépréciation prématurée d’actifs ou à des revenus nettement inférieurs à ceux prévus au moment de l’investissement initial. Les actifs financiers qui dépendent d’actifs physiques liés aux combustibles fossiles, tels que les actions d’une société de combustibles fossiles, sont également plus susceptibles d’être délaissés. Ce phénomène pourrait précéder le délaissement d’actifs physiques sur la base de prévisions, et peut se produire brusquement si de nombreux investisseurs ajustent simultanément à la baisse leurs attentes de rendement futur. Un tel événement de type « cygne vert » entraîne une dévaluation considérable des actions, ce qui risque d’affecter la stabilité macrofinancière par contagion à d’autres actifs financiers, et par les retombées du monde financier sur l’économie réelle. En raison de l’intérêt financier inhérent des entreprises en place et de leurs actionnaires à éviter le délaissement d’actifs, entre autres sources d’inertie du système, les investissements dans les combustibles fossiles ont tendance à créer un « frein » infrastructurel, technologique et institutionnel à la décarbonation.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

Les gouvernements devraient s’engager à éliminer progressivement tous les combustibles fossiles lors de la COP28 et au-delà, adoptant pour ce faire les mesures suivantes :

  • Cesser dès maintenant d’approuver de nouveaux investissements dans les infrastructures d’extraction et de consommation de combustibles fossiles, en particulier dans les pays à revenus élevés.
  • Accélérer la mise hors service des infrastructures de combustibles fossiles existantes.
  • Se retirer des traités internationaux d’investissement les exposant à des risques de poursuites de la part d’entreprises de combustibles fossiles dans le cadre du règlement de différends entre investisseurs et États.
  • Réorienter les subventions et les investissements en faveur des énergies fossiles vers les énergies propres.
  • Gérer l’élimination progressive par l’établissement d’objectifs à court et à long terme en vue de réduire la production et l’utilisation des combustibles fossiles, de concert avec l’introduction progressive d’énergies renouvelables et de systèmes de stockage, afin d’éviter les pénuries d’énergie, les flambées de prix et l’inflation.
  • Faire rapport sur les plans et les progrès réalisés en matière d’élimination des combustibles fossiles dans les CDN.

La coopération internationale sera nécessaire pour favoriser une transition coordonnée, transparente et juste vers l’abandon des combustibles fossiles dans tous les pays et tous les secteurs :

  • Les gouvernements des pays à revenu élevé ayant une plus grande capacité de transition doivent accepter de progresser plus rapidement vers l’élimination progressive.
  • Les gouvernements des pays à revenu élevé doivent apporter un soutien financier, technologique et de renforcement des capacités aux pays à faible revenu afin qu’ils diversifient leurs économies et leurs besoins énergétiques en s’éloignant des combustibles fossiles ou qu’ils réalisent des progrès en la matière.

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3 – Des politiques solides sont essentielles pour atteindre l’échelle nécessaire à l’élimination efficace du dioxyde de carbone

POINTS CLÉS

  • Les émissions doivent être réduites rapidement et en profondeur; l’EDC ne peut que compléter cet effort, et non le remplacer.
  • Il faut développer les nouveaux types d’EDC (souvent issus de l’ingénierie), mais également les types d’EDC plus traditionnels (qui reposent souvent sur les forêts).
  • La surveillance, la déclaration et la vérification (dites MRV pour monitoring, reporting, verifying) rigoureuses des émissions sont essentielles au déploiement futur réussi de l’EDC.
  • Les différents délais et types d’EDC doivent cadrer avec le type exact d’émissions qu’ils sont censés neutraliser (approche dite « like-for-like »).
  • De nouveaux instruments stratégiques et de gouvernance à plusieurs niveaux sont nécessaires pour soutenir l’innovation en matière d’EDC.

LA PERSPECTIVE EXPLIQUÉE

Pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris, il faudra faire passer l’EDC d’un niveau actuel d’environ 2 milliards de tonnes de CO₂ à au moins 5 milliards de tonnes, voire davantage, d’ici 2050. À l’heure actuelle, la quasi-totalité de l’EDC consiste en un boisement, un reboisement et une gestion des forêts existantes. Seulement 0,1 % de l’absorption actuelle provient des autres méthodes déployées, telles que l’extraction directe dans l’air et le stockage, la bioénergie associée au captage et stockage du carbone, le biochar, l’altération forcée et les méthodes océaniques. Parallèlement cependant, presque tous les scénarios qui limitent le réchauffement à 1,5 °C ou 2 °C reposent sur le déploiement à grande échelle de ces méthodes d’EDC.

Bien que bon nombre des méthodes en question présentent un grand potentiel, les estimations actuelles prévoient un déficit substantiel par rapport à ce qui serait nécessaire à l’absorption des émissions difficiles à supprimer afin d’atteindre la carboneutralité. Cet écart signifie également que ces méthodes sont peu susceptibles de compenser le dépassement initial du budget carbone pour un réchauffement n’excédant pas 1,5 °C. L’ampleur des efforts déployés pour développer des méthodes d’EDC actuellement utilisées à petite échelle (voire non testées) au cours de la prochaine décennie déterminera si une capacité d’élimination du carbone suffisante sera disponible à l’échelle nécessaire et à temps pour parvenir à des émissions nettes de CO₂ nulles d’ici le début des années 2050, et à des émissions négatives par la suite.

Il existe un large éventail d’options d’EDC, exigeant différents niveaux de préparation technologique, et dont les durées de séquestration ou de stockage diffèrent également (figure 3). Toutes ces méthodes présentent des incertitudes quant à leur faisabilité, à l’analyse du cycle de vie, ainsi qu’à la MRV (voir l’encadré « Dans la mire »). Par exemple, les estimations de l’élimination du CO₂ par les forêts sont entravées par les effets indéterminés des changements environnementaux (voir la perspective 4) et par des définitions incohérentes. De grandes incertitudes planent quant aux taux de stockage du carbone associé à l’altération forcée des minéraux, ainsi qu’à l’évolution des échanges gazeux air-mer pour l’élimination directe dans l’océan ou l’accroissement de l’alcalinité de l’océan. L’extraction directe et le stockage du carbone atmosphérique, d’une part, présentent un énorme potentiel de mise à l’échelle avec des incidences relativement faibles sur l’utilisation des sols, mais on ne sait toujours pas s’il est possible de la mettre en œuvre à une intensité énergétique réalisable. Le recours au piégeage et au stockage du carbone pour améliorer la récupération des combustibles fossiles pose un dilemme particulier (voir Perspective 2, encadré Dans la mire).

De plus en plus, la communauté scientifique et les organismes chargés de fixer les normes mettent l’accent sur une approche « like-for-like » pour les demandes de neutralisation des émissions de dioxyde de carbone. Cela signifie que les émissions de CO₂ d’origine fossile devraient être neutralisées par une forme d’EDC qui séquestre durablement le CO₂, tandis que l’EDC reposant sur la sylviculture (et d’autres utilisations des terres) ne devrait neutraliser que les émissions de CO₂ liées à l’utilisation des terres. Cela permettrait de répondre aux préoccupations concernant le CO₂ piégé dans la végétation et les sols, menacés par la prévalence accrue des incendies de forêt, des sécheresses et des parasites (voir la perspective 4).

Le niveau de déploiement d’EDC nécessaire exigera une politique et une gouvernance à plusieurs niveaux. Dans certains cas, les politiques peuvent s’appuyer sur l’expérience acquise grâce aux méthodes d’EDC existantes, aux mesures de réduction des émissions et, dans une certaine mesure, au déploiement du piégeage et du stockage du carbone. Mais de nombreux aspects des instruments politiques d’EDC nécessiteront une innovation en matière de gouvernance. Un engagement politique et de solides systèmes de MRV sont nécessaires.

Figure 3. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 3. Taxonomie des options d’élimination du dioxyde de carbone. Méthodes d’EDC caractérisées en termes de : durée du stockage du carbone : durabilité attendue du stockage du carbone (deuxième ligne); état actuel de préparation à la mise à l’échelle : niveau de maturité pour le déploiement à l’échelle (troisième ligne) et potentiel de séquestration biophysique ou technique (quatrième ligne), reflétant la compréhension actuelle (fondé en grande partie sur GIEC 2022, AR6-WG3:ch. 12.3).

DANS LA MIRE : LA COMBINAISON DE MOYENS D’EDC ÉVOLUERA

Actuellement, l’essentiel de l’EDC passe par de méthodes « conventionnelles », telles que le boisement/reboisement. Dans de nombreuses régions, toutefois, les forêts sont menacées par des perturbations dues au climat, telles que les sécheresses, les vagues de chaleur, les incendies, les tempêtes et les parasites (voir la perspective 4). Des options d’EDC moins bien établies comme la bioénergie associée au captage et stockage du carbone, l’extraction directe du carbone dans l’air et son stockage, l’altération forcée, le biochar et l’alcalinisation des océans, ne jouent jusqu’à présent qu’un rôle mineur. Les scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (AR6-WG3, ch. 3) qui permettent de rester en deçà d’un réchauffement de 2 °C attribuent un rôle très important à l’EDC liée à l’utilisation des terres et à la sylviculture, ainsi qu’à la bioénergie associée au captage et stockage du carbone et, en partie, à l’extraction directe dans l’air avec stockage. Mais le poids de ces options d’EDC dans les scénarios du GIEC (et d’autres) ne reflète pas réellement un jugement quant à leur faisabilité. De nombreux programmes de recherche et de démonstration, ainsi que des stratégies politiques, tiennent compte d’un éventail plus large d’options d’EDC.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

  • L’EDC ne peut se substituer à une réduction profonde et durable des émissions.
  • Pour que l’EDC soit disponible en temps voulu et à l’échelle requise pour atteindre les objectifs nationaux de carboneutralité, par ailleurs, des politiques doivent être mises en place à court terme aux fins de soutien déploiement de nouvelles formes d’EDC. Ces politiques devraient encourager de façon responsable la recherche, le développement et la démonstration, ainsi que le déploiement ciblé.
  • Il est risqué de s’appuyer sur l’EDC d’origine forestière, principale méthode d’élimination du carbone à l’heure actuelle, compte tenu des incertitudes majeures liées aux effets des changements climatiques (voir la perspective 4).
  • Étant donné le potentiel limité de chaque méthode d’EDC et les risques connexes à grande échelle (voir l’encadré « Dans la mire »), il convient de prévoir un portefeuille d’options d’EDC, dont la composition s’adaptera au fil du temps pour tenir compte des progrès technologiques, de l’évaluation des risques et de l’évolution des exigences environnementales, sociétales, économiques et politiques.

Les propositions précises d’action politique sont les suivantes :

  • Fixer des objectifs clairs et distincts pour la réduction des émissions et l’élimination du carbone. Par exemple, la séparation obligatoire des réductions et des absorptions dans les CDN, en particulier dans les tableaux « Clarté, transparence et compréhension » (CTC).
  • Fixer des objectifs distincts reposant sur des processus d’élimination qui correspondent aux délais de permanence de l’élimination du carbone et aux délais de permanence des émissions (approche « like-for-like »). Par exemple, l’établissement d’objectifs distincts devrait faire partie des cadres pour les crédits d’EDC (comme le propose actuellement la Commission européenne).
  • Développer des cadres de MRV communs, robustes et transparents, pour l’EDC. Par exemple, en améliorant les orientations existantes et en élaborant de nouvelles orientations en matière d’inventaire par l’intermédiaire du Task Force for National GHG Inventories du GIEC, et en veillant à la cohérence entre les rapports à l’échelle des projets et à l’échelle nationale.
  • Créer des échanges structurés pour un apprentissage mutuel. Cela contribuerait à la mise en commun des connaissances et au renforcement des capacités, mais s’avérerait également utile en contexte de mise en place d’un système international d’échange de droits d’émission de carbone dans le cadre du mécanisme de l’article 6.4 de l’accord de Paris.

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4 – Une dépendance excessive à l’égard des puits de carbone naturels est une stratégie risquée : leur contribution future est incertaine

POINTS CLÉS

  • Une grande incertitude plane quant à la façon dont les puits de carbone naturels réagiront aux changements environnementaux induits par l’homme, y compris les changements climatiques.
  • Les puits de carbone naturels pourraient absorber moins de carbone à l’avenir que ce que nous prévoyons à l’heure actuelle.
  • Le cas échéant, le réchauffement sera plus important que prévu dans les scénarios du GIEC. De là la nécessité d’efforts encore plus ambitieux en matière de réduction des émissions.

LA PERSPECTIVE EXPLIQUÉE

Le budget carbone restant pour demeurer dans la fourchette des objectifs de l’Accord de Paris en matière de réchauffement climatique dépend en grande partie de la contribution future des puits de carbone naturels terrestres et océaniques. Malgré l’augmentation des émissions de CO₂, une fraction relativement constante d’environ 44 % (en moyenne) de ces émissions demeure dans l’atmosphère depuis une cinquantaine d’années; cela signifie que les puits naturels sur terre et dans les océans ont augmenté leur absorption de carbone parallèlement à l’augmentation du CO₂ atmosphérique.

Des données récentes laissent toutefois penser que la tendance à l’expansion des puits terrestres pourrait s’être ralentie. Ce pourrait être attribuable à la variabilité naturelle, mais aussi indiquer le début d’un « point de saturation » dans le système terrestre. L’importance relative de ces deux facteurs est très incertaine. La dernière hypothèse impliquerait que la hausse des températures, la modification du régime des précipitations et les phénomènes météorologiques extrêmes, ainsi que d’autres perturbations d’origine humaine, réduisent le pouvoir tampon des puits terrestres, ou pourraient même conduire à leur déstabilisation. Il existe – bien qu’elles soient peu nombreuses – de solides données indiquant que certains puits terrestres se modifient plus rapidement que prévu. Par exemple, la plupart des modèles ne reproduisent pas l’augmentation de la sensibilité du cycle du carbone aux sécheresses tropicales, observées au cours des dernières décennies. Dans les forêts boréales, l’augmentation de la mortalité des arbres due à la sécheresse entraîne une diminution de la capacité de puits de carbone. Des cas de mortalité élevée des arbres par suite de sécheresses et de canicules sont désormais observés dans le monde entier, dans des endroits où l’on ne s’attendait pas à ce que ce soit le cas auparavant.

L’expansion du puits océanique a connu un ralentissement dans les années 1990, pour reprendre par la suite. Le principal facteur à l’origine de cette expansion est l’augmentation de la teneur en CO₂ dans l’atmosphère, qui pousse le carbone anthropique dans l’océan. Mais les processus naturels associés au cycle du carbone peuvent modifier les puits, par l’augmentation ou la diminution du stockage du carbone au-delà de ce qui est attendu sur la seule base de la teneur en CO₂ de l’atmosphère. Par exemple, le réchauffement de l’océan a tendance à pousser le CO₂ naturel hors de l’océan, réduisant ainsi l’absorption nette de CO₂. Dans l’océan Austral, des changements dans la configuration des vents ont fait en sorte que davantage d’eaux profondes riches en carbone se trouvent exposées à l’interface air-mer, ce qui a entraîné une perte de carbone naturel. L’océan Arctique, en revanche, est actuellement la seule région où le puits de carbone se renforce à grande échelle, car la fonte de la glace de mer expose une plus grande surface océanique, qui peut alors absorber davantage de CO₂.

Dans l’ensemble, les incertitudes concernant les puits de carbone naturels sont préoccupantes. Les scientifiques et les décideurs politiques doivent être attentifs à un problème potentiel : les plans visant à éviter de dépasser les limites fixées par l’accord de Paris en matière de réchauffement climatique reposent sur les projections actuelles des modèles concernant la capacité des puits. Si les puits sont surestimés, le véritable budget carbone pourrait en fait être moindre encore, et les voies actuelles pour parvenir à la carboneutralité ne suffiront pas à atteindre les objectifs fixés. Pour réduire les incertitudes et éviter une dépendance excessive à l’égard des puits de carbone naturels (ou des solutions fondées sur ces derniers, voir l’encadré « Dans la mire » et la perspective 3), nous avons besoin de solides quantifications, fiables, de ces puits.

Figure 4 Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 4. Le budget carbone restant dépend des attentes concernant les puits de carbone futurs. Si les puits sont plus petits que prévu et que les mesures d’atténuation ne sont pas adaptées en conséquence, le réchauffement sera encore plus important que prévu.

DANS LA MIRE : LA RÉALITÉ DES SOLUTIONS FONDÉES SUR LA NATURE (SFN)

Les solutions fondées sur la nature reposent sur les puits de carbone terrestres et océaniques, mais il est risqué de trop compter sur la force future de ces puits, comme nous l’avons expliqué plus haut.

  • Dans le cas des puits terrestres, le problème est bien illustré par l’exemple des incendies : bien qu’il s’agisse d’un facteur clé de changement qui augmentera à l’avenir, les processus d’incendie (ainsi que d’autres perturbations naturelles) ne sont pas entièrement pris en compte dans les évaluations actuelles du potentiel futur de piégeage du carbone par les forêts.
  • De même, les gains d’absorption de carbone par le re/boisement dans certaines régions seraient largement compensés par des effets albédo contraires, en particulier à court terme. Pourtant, la conservation des forêts et le re/boisement occupent une place importante dans les CDN de nombreux pays, représentant la quasi-totalité de l’EDC actuellement déployée (voir la perspective 3).
  • En ce qui concerne les océans, la comptabilisation des flux de carbone entre les écosystèmes côtiers, les plateformes marines et au-delà constitue un domaine de grande incertitude; l’augmentation rapide de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur marine, ainsi que les extrêmes en matière de perte d’oxygène et d’acidification, pourrait également influer sur le puits de carbone océanique, mais ce phénomène n’est pas encore bien compris.
  • Bien que l’importance des solutions fondées sur la nature dans le maintien de l’intégrité des puits de carbone naturels ne fasse aucun doute (la protection des écosystèmes par ce type de solutions, bien conçues et mises en œuvre), pour les raisons exposées dans la présente section, les plans d’atténuation ne devraient pas trop s’appuyer sur elles.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

Les stratégies d’atténuation ne doivent pas trop s’appuyer sur les puits de carbone naturels. Compte tenu des préoccupations scientifiques croissantes concernant l’avenir de ces puits, il est essentiel de renforcer les réductions d’émissions pour tenir compte de cette incertitude.

Afin d’éclairer la planification et la prise de décision futures, il est important de :

  • Coordonner et mobiliser un financement durable pour un système d’observation adapté du carbone océanique et terrestre.
  • Réaliser des évaluations complètes de la vulnérabilité des puits de carbone (en particulier les puits terrestres) dans le cadre de robustes systèmes de MRV pour l’EDC (voir la perspective 3), afin de rendre les solutions efficaces et permanentes.

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5 – Une gouvernance conjointe est nécessaire pour faire face aux urgences interdépendantes du climat et de la biodiversité

POINTS CLÉS

  • Le climat et la biodiversité sont profondément liés; les processus et les institutions qui servent à leur gestion et à leur gouvernance doivent également devenir interdépendants.
  • Les taux d’évolution de la température moyenne mondiale et de perte de la biodiversité sont plus élevés que jamais dans l’histoire de l’humanité et continuent d’augmenter.
  • Nous sommes de plus en plus conscients des risques et de l’amplification des dommages du fait de leurs interdépendances.

LA PERSPECTIVE EXPLIQUÉE

Les crises du climat et de la biodiversité sont étroitement liées, mais nous les traitons jusqu’ici séparément. En 2019-2021, pour la première fois, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) et le GIEC ont réuni des experts internationaux pour rédiger un rapport conjoint sur les actions en faveur du climat et de la biodiversité. De façon plus générale, les objectifs de développement durable (ODD) expriment la nécessité d’une action commune pour tous les objectifs, exposant l’ambition des 193 États membres des Nations unies de guider la prise de décisions en vue d’une action synergique et efficace.

La perte de biodiversité et les changements climatiques résultent tous deux du développement économique dominant et des systèmes sociopolitiques des sociétés modernes, dont les moteurs ont promu et favorisé des modèles de production et de consommation nuisibles à l’environnement. Bien que ces facteurs se manifestent par un large éventail de pressions et que leur expression varie localement, certains influent à la fois sur le climat et la biodiversité, comme la déforestation et l’agriculture intensive.

Les changements climatiques entraînent des modifications de l’environnement qui contrôlent les processus biologiques, du niveau intracellulaire à celui de l’écosystème. À grande échelle, nous avons tendance à observer des réponses ou des déclins linéaires sans à-coups, mais les espèces à titre individuel et les écosystèmes présentent souvent des déclins abrupts et inattendus dans des délais plus courts que toute inversion possible du réchauffement planétaire. En outre, les changements induits par le climat dans les espèces et les écosystèmes peuvent amplifier les rétroactions qui, elles-mêmes, renforcent les changements climatiques.

Les effets du climat sur la société qui sont influencés par la biodiversité se manifestent par des changements dans les contributions de la nature à l’homme. Par exemple, les changements dans les schémas météorologiques, la durée des saisons de croissance et l’occurrence et l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes influent sur la diversité des pollinisateurs, entraînant des répercussions sur la production alimentaire. Les écosystèmes côtiers tels que les mangroves et les marais salants constituent des solutions naturelles pour atténuer les changements climatiques par la séquestration de carbone, tout en favorisant l’adaptation aux effets de ces mêmes changements par l’absorption de l’énergie des vagues pendant les tempêtes. Compte tenu de leur vulnérabilité à l’élévation du niveau de la mer, aux inondations et au réchauffement climatique, ces avantages se trouvent menacés.

Les solutions fondées sur la nature (SfN) peuvent réduire les effets des changements climatiques et contribuer à restaurer la biodiversité et la résilience des contributions de la nature à l’homme, mais ces contributions demeurent plus incertaines qu’on serait généralement porté à le croire (voir perspective 4, encadré 4). Une mise en œuvre hâtive, telle que la plantation d’arbres à grande échelle aux fins de piégeage du carbone, pourrait amener à négliger des possibilités de synergie et nuire à d’autres aspects de la nature.

Il convient de s’assurer que les SfN présentent, de par leur conception, des avantages multiples pour l’homme et la nature. Par exemple, les synergies et les compromis entre protection de la biodiversité, atténuation des changements climatiques et production alimentaire montrent qu’une ambition modérée pour tous les objectifs peut permettre d’atteindre un équilibre (voir la perspective 10), mais qu’une grande ambition pour un seul objectif s’accompagne d’une réalisation moindre des autres objectifs.

Comprendre et gérer les effets conjoints des changements climatiques et de la biodiversité sur la société n’a rien de facile. Les risques humains liés aux changements climatiques et à la perte de biodiversité sont moins étudiés, mais de plus en plus de données révèlent qu’ils seraient plus élevés dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où la vulnérabilité et l’incidence des pertes sont également plus importantes. Par exemple, les régions tropicales sont celles qui ont le moins contribué au forçage du climat, mais les plus exposées au risque de cascades et de dynamiques de basculement. Les données et les approches dominantes en matière de conservation de la biodiversité, de collecte d’information sur le climat et de prise de décisions locale et de politiques mondiales pertinentes sont encore fortement biaisées en faveur des pays les plus riches. Notre capacité à modéliser et à prévoir les risques et les changements induits par les modifications de la biodiversité et du climat n’est pas suffisante pour les intégrer dans les réponses politiques, et leur complexité pose des problèmes de mise en œuvre.

LES RÉCIFS CORALLIENS, MENACÉS PAR LE CLIMAT ET LA DIMINUTION DE LA BIODIVERSITÉ

Figure 5. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 5. Écorégions de l’océan Indien occidental et risque d’effondrement des récifs coralliens dans ces mêmes régions selon la liste rouge des écosystèmes de l’UICN6. Les niveaux de risque pour les composantes climatiques (icône de thermomètre) et biotiques (icônes représentant corail et poisson) de l’écosystème sont indiqués avec leurs niveaux de risque individuels. Le niveau de risque biotique combiné est indiqué dans l’anneau entourant les icônes de corail et de poisson et, pour chaque écorégion, par la couleur d’arrière-plan et la carte. Le texte met en évidence les interactions entre la biodiversité et le climat, les perspectives de gestion et les avantages pour les populations.

6 Redessiné à partir de : Obura et coll.   « Vulnerability to collapse of coral reef ecosystems in the Western Indian Ocean. », Nature Sustainability, vol. 5, no 2 (2021), p. 104 à 113. doi:10.1038/s41893-021-00817-0

Les récifs coralliens sont parmi les premiers écosystèmes à s’effondrer dans plusieurs régions, notamment les Caraïbes, la Grande Barrière de Corail et le Pacifique tropical oriental, ce qui pourrait conduire à un effondrement mondial. Ceux de l’océan Indien occidental ont été jugés vulnérables à l’effondrement, ce qui englobe quatre écorégions gravement menacées, trois écorégions menacées et quatre écorégions vulnérables (figure 5). Les interactions entre la biodiversité et le climat sous-tendent leur risque d’effondrement : les récifs insulaires sont généralement davantage menacés par l’augmentation des températures au cours des trois ou quatre prochaines décennies, tandis que les récifs continentaux ont un meilleur avenir climatique, mais sont davantage menacés par la pêche et d’autres facteurs locaux.

La vulnérabilité différentielle des écorégions met en évidence l’étroit gradient de vulnérabilité entre les récifs, et le fait que de très de faibles augmentations des températures mondiales pourraient faire la différence entre l’effondrement de certaines écorégions récifales uniquement, ou de l’ensemble de ces régions.

L’importance des récifs coralliens pour les économies côtières et les moyens de subsistance est illustrée par la vulnérabilité différentielle des écorégions à la pêche et à la température, ainsi que par l’importance de maximiser les synergies entre les mesures de gestion afin de limiter dans toute la mesure du possible ces deux éléments.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

Les liens complexes entre l’atténuation des changements climatiques et l’adaptation à ces mêmes changements, les mesures de conservation de la biodiversité et les besoins sociétaux plus larges nécessiteront un changement transformateur dans la façon dont nous gouvernons les systèmes socioécologiques à toutes les échelles.

  • Les objectifs en matière de biodiversité et de climat doivent être poursuivis conjointement, et les politiques doivent refléter de façon cohérente la nature interdépendante de ces crises. Dans cette perspective, une meilleure harmonisation entre la CCNUCC et la CDB s’impose, et les collaborations entre conventions doivent être renforcées. Certains objectifs, tels que la production alimentaire, peuvent être atteints isolément, mais au détriment d’autres objectifs, tels que ceux liés à la biodiversité et au climat. En revanche, une ambition bien harmonisée recoupant plusieurs objectifs peut conduire à la réussite de l’ensemble d’entre eux et maximiser les possibilités de cobénéfices et de synergies.
  • L’engagement de financement de 100 milliards de dollars pour lutter contre les changements climatiques proposé dans le cadre du processus de la CCNUCC doit être mis en œuvre avec des garanties et des résultats positifs pour la nature. Les pays à hauts revenus, à commencer par le G7, devraient consacrer 30 % de leur financement international pour le climat à des SfN socialement justes afin d’obtenir simultanément des résultats en matière de climat et de biodiversité.
  • Le Fonds vert pour le climat, le Fonds d’adaptation et les autres fonds climatiques (multilatéraux et bilatéraux) devraient renforcer leurs critères de sélection pour favoriser des effets positifs sur la protection de la biodiversité et promouvoir la conception de projets qui maximisent les avantages multiples.
  • Les décideurs à tous les niveaux – international, national et local – doivent :
    • veiller à ce que les actions en faveur de la conservation et du climat soient conçues de façon à inclure des mesures de protection de l’homme et de la nature (afin d’éviter les incitatifs financiers néfastes et les risques liés à des interactions complexes) et à viser des effets économiques et sociaux positifs;
    • réévaluer les objectifs et les indicateurs du développement économique et social afin de transformer les systèmes qui sont à l’origine des changements climatiques et de la perte de biodiversité. Il faut notamment s’attaquer à des facteurs socioculturels plus profonds, tels que les visions du monde, les attitudes et les valeurs, qui sous-tendent des institutions profondément ancrées à l’origine d’une production et d’une consommation préjudiciables à l’environnement.

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6 – Les événements combinés amplifient les risques climatiques et augmentent leur incertitude

POINTS CLÉS

  • L’incidence d’un événement combiné peut être plus importante que la somme des effets des événements individuels.
  • De nouvelles données et modélisations mettent en évidence les défis associés aux événements combinés. Certains effets de ces événements sont cumulatifs, et pourraient conduire à de nouveaux états d’équilibre des systèmes concernés.
  • La planification de la gestion des risques doit prendre en compte les événements combinés au moyen, notamment, d’évaluations intégrées visant à révéler les liens naturels ou humains entre des facteurs de risque apparemment disparates.

LA PERSPECTIVE EXPLIQUÉE

Les événements combinés sont définis comme des événements qui se produisent lorsqu’une combinaison de facteurs et (ou) de dangers contribue aux risques environnementaux ou sociétaux (figure 6). Ces phénomènes s’étendent sur plusieurs échelles et à plusieurs types d’interaction, dont des phénomènes permettant à d’autres de survenir, impliquant de multiples variables et se produisant en séquence, dans différents espaces. À titre d’exemples, citons les fortes pluies, les vents extrêmes et les ondes de tempête de l’ouragan Sandy en 2012, ainsi que les tempêtes successives de l’hiver 2023 en Californie, où des mètres de neige ont piégé certains habitants pendant des semaines.

La recherche en sciences physiques sur les événements combinés a principalement commencé par les événements atmosphériques et bivariés, tels que les interactions entre sécheresse et vagues de chaleur. Les chercheurs ont depuis adapté le concept à d’autres domaines, notamment les écosystèmes terrestres, les océans et les liens entre domaines. Une série d’approches méthodologiques, telles que les grands ensembles et l’attribution des événements extrêmes, confirme la pertinence des événements combinés pour un large éventail de domaines d’incidence potentiels. Par exemple, les événements combinés posent des risques critiques pour la sécurité alimentaire et les services écosystémiques, compliquent la gestion des risques de catastrophe, interfèrent avec les stratégies d’adaptation et influent sur les schémas de migration humaine.

Les cultures sont particulièrement sensibles à l’apparition simultanée de conditions extrêmement chaudes et sèches. La variabilité, comme un printemps précoce suivi d’un gel tardif, peut également leur nuire. Étant donné qu’une grande partie des cultures sont produites dans seulement quelques régions greniers, de faibles rendements pour la même récolte dans plus d’une région pourraient menacer la sécurité alimentaire mondiale.

Les écosystèmes sont menacés par des effets cumulés. Le rétablissement des plantes après des événements extrêmes est généralement lent, ce qui accroît la vulnérabilité à un autre événement (événements combinés), ainsi que – entre autres conséquences – la limitation de la capacité de la végétation à agir comme un puits de carbone (voir la perspective 4). L’interaction des effets d’événements distincts, tels que les cyclones et les incendies, peut modifier les états écologiques d’équilibre. Les événements océaniques combinés tels que les vagues de chaleur marines, les changements dans la concentration en oxygène, l’acidité des océans et (ou) la production primaire nette, peuvent influer sur les écosystèmes marins au niveau de l’individu, des populations et des communautés. Des événements combinés dans le continuum terre-océan, tels que de graves sécheresses en Amérique du Sud et des vagues de chaleur marines dans l’Atlantique Sud en 2013-2014, ont entraîné des pénuries d’eau au Brésil et ont eu des répercussions sur l’approvisionnement alimentaire à l’échelle mondiale.

Une réflexion tenant compte des événements combinés améliore l’alerte précoce, la réaction aux situations d’urgence, la gestion des infrastructures, la planification à long terme et le renforcement des capacités. Jusqu’à présent, cependant, peu d’efforts d’adaptation tiennent suffisamment compte des événements combinés. Cela s’explique souvent par un manque de connaissances sur le système physique à l’origine de ces événements, la difficulté de traduire les connaissances existantes en actions, et le fait que la plupart des systèmes d’adaptation et d’alerte précoce sont structurés autour d’un seul danger.

Pour parvenir à cerner et à quantifier les événements combinés, il faudra comprendre comment les risques climatiques distincts interagissent et s’intensifient les uns les autres. L’amélioration des modèles et des méthodes statistiques révèle que les effets des événements combinés risquent fort de s’exacerber mutuellement, en partie à cause des délais de récupération plus longs.

Cette interconnexion exige une coopération à l’échelle des effets des événements combinés, qui sont souvent plus importants et plus longs que ce qu’englobent les cadres décisionnels existants. Les conditions préalables locales semblent façonner ces effets, qu’il s’agisse de conditions sociétales (par exemple, migration, pauvreté, conflit) ou environnementales (par exemple, rareté des ressources, surpêche, paysage dénudé). Il devient donc crucial d’évaluer et d’intégrer les caractéristiques contextuelles en question.

Figure 6. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 6. Un événement combiné. L’illustration montre comment un cyclone (icône bleue) suivi de peu d’un incendie de forêt (icône orange) peut avoir des répercussions beaucoup plus importantes que l’un ou l’autre événement pris isolément. En bas à droite se trouve une visualisation de la gravité des risques d’un cyclone et d’un incendie de forêt, dont l’incidence potentielle s’aggrave de façon exponentielle vers le haut à droite, comme l’indique la différence d’état d’équilibre dans le cas « cyclone X incendie »7.

7 D’après : (1) Ibanez et coll.   « Altered cyclone–fire interactions are changing ecosystems. », Trends in Plant Science, vol. 27, no 12 (2022), p. 1218 à 1230. doi:10.1016/j. tplants.2022.08.005; (2) Zscheischler et coll.   « A typology of compound weather and climate events. », Nature Reviews Earth & Environment, vol. 1, no 7 (2020), p. 333 à 347. doi:10.1038/s43017-020-0060-z

DANS LA MIRE : LES FACTEURS EXTRÊMES PEUVENT S’AMPLIFIER MUTUELLEMENT

Les dernières années ont été marquées par des événements climatiques et météorologiques extrêmes exceptionnels, bien au-delà de la fourchette historique locale, qui ont eu de graves répercussions socioécologiques. Ces événements résultent de combinaisons de facteurs antécédents et (ou) simultanés qui, ensemble, ont donné lieu aux conditions observées. Par exemple, les chercheurs interprètent désormais les vagues de chaleur qui ont frappé l’ouest de l’Amérique du Nord en juin 2021 comme le résultat intégré de processus à plusieurs échelles, notamment la formation de crêtes atmosphériques, la faible humidité du sol et le réchauffement latent dû aux précipitations en amont. Même lorsqu’ils se produisent dans une seule région, ces événements exceptionnels peuvent être aggravés par l’augmentation simultanée de plusieurs types d’effets : par exemple, la simultanéité du stress thermique, du risque d’incendie de forêt et de la pollution atmosphérique, ou les liens entre la chaleur et la sécheresse et entre la chaleur et les inondations.

Il en va de même en mer; certains des effets dévastateurs de la vague de chaleur marine de 2013 à 2015 dans le Pacifique Nord-Est et de la température extrêmement élevée à la surface de la mer qui l’a accompagnée – notamment la mortalité extrême et l’échec de la reproduction des oiseaux de mer, l’échouage massif de baleines et de lions de mer et la modification de la composition des espèces en faveur des espèces d’eau chaude – ont été amplifiés par des événements extrêmes concomitants, notamment l’acidité des océans, la faible teneur en oxygène et les mauvaises récoltes dans plusieurs grandes régions agricoles, qui ont entraîné simultanément des chocs de prix et des pénuries de nourriture. De plus en plus, ces types d’événements océaniques coïncident avec des événements terrestres, ce qui en multiplie les effets.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

  • La planification de l’adaptation et la gestion des risques à toute échelle doivent intégrer une évaluation de la probabilité et des conséquences de la transformation d’événements distincts en événements combinés. Dans cette perspective, le point de vue des personnes ayant déjà été touchées par des catastrophes naturelles devrait servir de base à l’élaboration de points d’intervention ciblés et de mesures de prévention, y compris de systèmes d’alerte précoce.
  • Les mesures de prévention et la gestion des risques liés aux événements combinés devraient non seulement englober, mais aussi transcender les échelles géographiques et temporelles auxquelles ces événements se produisent souvent. Par exemple, par l’élaboration de mécanismes internationaux et intersectoriels de financement de la lutte contre les changements climatiques ou des accords de coopération pour la mise en commun des fournitures et du personnel, idéalement entre des régions ou des secteurs présentant un risque relativement faible de catastrophes simultanées.
  • La planification de la préparation aux situations d’urgence et de la gestion des risques devrait toujours a) tenir compte des conditions préalables locales (sociales et environnementales); b) reconnaître que l’attention portée à l’échelle mondiale aux données sur les événements combinés et la répartition de ces mêmes données ne sont pas représentatives; c) comprend la mise en place d’une infrastructure institutionnelle permettant aux décideurs de se préparer à de futurs événements combinés ou multirisques avec des mécanismes de réponse adaptés.
  • L’affectation des investissements en matière d’adaptation devrait refléter la répartition géographique inégale des effets des événements combinés. Par exemple, les analyses coûts/bénéfices des investissements fondées sur des événements isolés (ex. une violente tempête affectant une province) devraient également prendre en compte les risques émergents supplémentaires en cas d’événements multiples et rapprochés. Par rapport à ceux d’événements uniques, les effets d’événements combinés ont tendance à interagir plus fortement avec les infrastructures et les systèmes socio-économiques sous-jacents, ce qui crée un besoin particulier de mesures d’anticipation et de réponse bien coordonnées (garantissant, par exemple, que les efforts de réduction des risques d’inondation dans une zone n’accroissent pas les risques d’inondation dans une zone voisine).

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7 – La fonte des glaciers de montagne s’accélère

POINTS CLÉS

  • Les glaciers de montagne réagissent aux changements du forçage atmosphérique à des échelles temporelles plus courtes que les nappes glaciaires, et sont à l’origine de près d’un quart de l’élévation du niveau de la mer à ce jour.
  • La fonte des glaciers expose les populations vivant en aval – de plus en plus nombreuses – à des risques de crues soudaines et de pénuries d’eau.
  • Avec le recul de ces glaciers, la biodiversité dans les bassins versants de haute montagne pourrait fortement diminuer, ce qui compromettrait les fonctions de l’écosystème.

LA PERSPECTIVE EXPLIQUÉE

Les glaciers de montagne sont des indicateurs très sensibles des changements climatiques. L’amélioration des observations par satellite et de la modélisation a renforcé notre capacité à mesurer la réaction des glaciers aux changements climatiques et à prévoir leur évolution, tandis que les connaissances autochtones et locales ont permis d’étendre la profondeur temporelle et la résolution spatiale de notre compréhension. Par rapport aux vastes nappes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique, les glaciers de montagne occupent des surfaces beaucoup plus petites et représentent un potentiel d’élévation du niveau de la mer d’environ 30 cm seulement. Comme ils fondent beaucoup plus rapidement que les nappes glaciaires, toutefois, leur perte de masse explique près du quart de l’élévation actuelle du niveau de la mer. Les glaciers contribuent à la santé de l’environnement montagneux. En période de sécheresse, la fonte des glaciers est vitale pour maintenir le débit des cours d’eau qui alimentent les régions montagneuses et celles situées en aval, recharger les aquifères, fournir de l’eau douce pour la consommation humaine et l’irrigation et maintenir les écosystèmes et la biodiversité, ainsi que la pêche et la navigation. Les glaciers présentent également une valeur spirituelle, culturelle et touristique considérable.

Or, les observations actuelles de l’évolution des glaciers révèlent une perte de 267±16 Gt par an-1, avec une nette accélération au cours des deux dernières décennies. Globalement, la perte de masse glaciaire est potentiellement supérieure d’environ 12 % à ce qui a été rapporté précédemment, en raison de la fonte de la glace se produisant en dessous de la surface de l’eau, qui n’est pas prise en compte par les estimations disponibles. Au fur et à mesure que ces glaciers reculent, les bassins versants de haute montagne risquent de perdre des espèces et des fonctions écosystémiques.

Selon les nouvelles projections mondiales concernant les glaciers, ceux-ci perdront entre 26 % (à +1,5 °C) et 41 % (à +4 °C) de leur volume actuel d’ici à 2100 (figure 7). La perte de masse relative varie considérablement à l’échelle régionale, les régions de latitude moyenne telles que l’ouest du Canada, l’Europe centrale et le Caucase risquant de connaître une déglaciation à grande échelle si le réchauffement dépasse 3 °C. Il est donc essentiel de limiter l’augmentation de la température en réduisant les émissions de GES pour préserver ces régions glaciaires et limiter leur contribution à l’élévation du niveau de la mer.

L’incidence du changement climatique sur les environnements montagneux est diversifiée. La disparition des glaciers engendre des risques d’inondation immédiats pour les communautés environnantes et, lorsqu’elle est aggravée par le dégel du pergélisol, s’accompagne de risques en cascade tels que des glissements de terrain et des coulées de débris. La disparition des glaciers pose également des risques à moyen terme de pénurie d’eau, notamment dans les régions très peuplées de l’Hindu Kush Himalaya.

Dans tous les cas, des observations in situ supplémentaires sont essentielles et contribueront à réduire les incertitudes dans les projections de l’évolution des glaciers. L’amélioration de ces projections nécessitera l’intégration de modèles à haute résolution visant à garantir que les projections sont fournies à l’échelle appropriée pour la gestion des risques de catastrophe, et permettre la mise en œuvre des programmes qui instaureront la confiance et la collaboration entre les gouvernements et les populations autochtones et locales, afin de garantir le succès des mesures d’adaptation.

Figure 7. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 7. Fonte des glaciers et élévation du niveau de la mer de 2015 à 21008. Les disques montrent les projections mondiales et régionales quant à la masse restante des glaciers d’ici 2100 (par rapport à 2015) pour les scénarios d’évolution de la température moyenne mondiale. La taille de chaque disque reflète la contribution de la région à l’élévation du niveau moyen de la mer à l’échelle mondiale entre 2015 et 2100, pour le scénario de +2 °C. Les anneaux imbriqués sont colorés en fonction des scénarios de changement de température, montrant la masse normalisée restante en 2100. Au centre de chaque disque se trouvent les contributions régionales à l’élévation du niveau de la mer supérieures à 1 mm d’équivalent niveau de la mer pour le scénario +2 °C. La couleur du cercle extérieur correspond au risque que présente, pour les moyens de subsistance et l’économie, l’évolution des ressources en eau des montagnes avec un réchauffement mondial compris entre 1,5 et 2 °C (GIEC, 2022, AR6-WG2:CCP5.3). La carte montre la densité de population (personnes par km2) en gris, et les glaciers en bleu.

8 Modifié de : Rounce et coll. (2023). « Global glacier change in the 21st century: Every increase in temperature matters. », Science, 379(6627), 78–83. doi: 10.1126/science.abo1324

DANS LA MIRE : LES BASSINS VERSANTS DES PLUS HAUTES MONTAGNES N’ONT JAMAIS ÉTÉ SI PEUPLÉS

De plus en plus de gens sont touchés par la disparition des glaciers de montagne. Les régions montagneuses à forte densité de population, comme l’Himalaya, sont particulièrement vulnérables (figure 7). Environ 1,65 milliard de personnes en aval de l’Himalaya dépendent actuellement des sources d’eau de montagne, comparativement à 0,6 milliard à l’échelle mondiale dans les années 1960. L’Asie centrale, l’Asie du Sud et les régions tropicales et subtropicales de l’ouest de l’Amérique du Sud devraient subir les conséquences les plus importantes de l’évolution de la disponibilité de l’eau au cours de ce siècle. Les périodes variables de fonte des glaciers et des neiges influent sur la disponibilité de l’eau et pourraient mener à des conflits pour les ressources. Les populations des montagnes en aval augmentent également. Aujourd’hui, environ 15 millions de personnes dans le monde sont exposées aux inondations dues aux débordements des lacs glaciaires. Les réductions rapides des émissions de GES compenseront les effets les plus néfastes parmi ceux que nous venons de mentionner. Des stratégies d’adaptation efficaces menées par les communautés seront néanmoins essentielles pour soutenir la gestion des ressources et des risques de catastrophe, en particulier pour les communautés vulnérables.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

Une plus grande coopération entre les parties prenantes, afin de garantir une mise en œuvre et une gestion efficaces, s’avérerait profitable dans le cadre des stratégies d’adaptation. L’accord conclu lors de la COP27 en vue de la création d’un fonds pour les pertes et préjudices met en évidence la nécessité de réduire les risques de catastrophe et d’apporter un soutien accru aux populations vulnérables. Pourtant, trop peu de mesures de contrôle des risques ont été mises en œuvre pour faire face aux conséquences du changement climatique mondial dans les régions montagneuses.

Afin que les défis immédiats et à moyen terme se voient accorder la priorité dans le cadre de politiques globales d’adaptation aux changements climatiques, les négociateurs climatiques et les décideurs à tous les échelons devraient :

  • investir dans des infrastructures résistantes et adaptables au climat, ainsi que dans des plans d’urbanisme prenant en compte les défis à évolution rapide et lente (par exemple, les inondations glaciaires, la pénurie d’eau douce);
  • améliorer les systèmes d’alerte précoce et la préparation aux situations d’urgence dans les communautés vulnérables aux inondations glaciaires;
  • accorder la priorité à la gestion des ressources en eau, en investissant dans des technologies économes en eau, en promouvant des pratiques de gestion durable des terres et en diversifiant les sources d’eau chaque fois que cela s’avère possible;
  • élaborer de solides procédures d’évaluation et de consultation sur la possibilité de déplacer les communautés vulnérables des zones à haut risque d’inondation due à la fonte des glaciers (toujours au moyen de processus participatifs avec les communautés touchées, voir la perspective 8);
  • sauvegarder et restaurer les zones humides et autres écosystèmes qui contribuent à atténuer les effets de la disparition des glaciers, en réduisant les risques d’inondation et d’érosion;
  • encourager les efforts de collaboration entre les chercheurs, les gouvernements et les communautés locales dans les régions riches et pauvres du monde, ce qui est essentiel pour combler les lacunes en matière de données et améliorer la précision des modèles;
  • rechercher des collaborations régionales pour une affectation efficace des ressources et une réduction des risques;
  • appuyer les lois sur la protection des glaciers, qui ont vu le jour au cours de la dernière décennie.

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8 – L’immobilité humaine dans les zones exposées aux risques climatiques augmente

POINTS CLÉS

  • Le changement climatique peut accroître les obstacles à la mobilité, entraînant une augmentation de l’immobilité involontaire, en particulier parmi les populations les plus pauvres.
  • Les politiques relatives aux changements climatiques et à la mobilité humaine sont essentiellement axées sur la gestion de la mobilité, l’immobilité se trouvant négligée.
  • Des recherches récentes mettent en évidence les multiples facettes de la prise de décisions liée à l’(im)mobilité. Malgré les risques climatiques, certaines personnes et communautés choisissent de rester.
  • Les personnes immobiles ont besoin d’un soutien institutionnel pour faire face efficacement aux défis posés par les risques climatiques.
  • Les politiques centrées sur l’homme pour les migrants et les non-migrants nécessitent des approches participatives, inclusives et dirigées par la communauté.
  • Les approches descendantes de l’adaptation et de la réinstallation planifiée peuvent être inefficaces et inadaptées, et se heurter à la résistance de la communauté.

LA PERSPECTIVE EXPLIQUÉE

Les personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas quitter les zones à haut risque peuvent être confrontées à des difficultés encore plus grandes que celles qui déménagent. Certaines communautés touchées par les changements climatiques se trouvent confrontées à des contraintes économiques, politiques, socioculturelles et physiques à la mobilité. Les différences dans la capacité à se déplacer peuvent créer des inégalités entre les sexes, et d’autres inégalités à l’échelle des ménages. Les facteurs démographiques et l’accès à l’information sur les logements sûrs, les possibilités de migration sûre et les marchés du travail influencent les résultats de l’(im)mobilité.

De récentes études montrent une augmentation de l’immobilité involontaire, en particulier parmi les populations les plus pauvres. Selon des scénarios de développement et de climat moyens, le changement climatique pourrait faire baisser les taux d’émigration de plus de 10 % parmi les groupes à faibles revenus d’ici 2100, par rapport à l’absence de changement climatique. Si l’on en croit les scénarios les plus pessimistes, la diminution pourrait même atteindre 35 %. Des études montrent par ailleurs que la mobilité est facilitée dans les régions les plus riches, et freinée dans les plus pauvres.

Les résultats de la mobilité et de l’immobilité dans les contextes de risques climatiques pourraient s’expliquer par un processus décisionnel rationnel façonné par des facteurs communautaires et individuels se recoupant (figure 8). Les facteurs communautaires, l’attachement au lieu, les caractéristiques des individus et des ménages ainsi que la perception et la tolérance au risque déterminent la capacité perçue à résister ou à répondre aux effets et aux risques climatiques qui, elle-même, influe sur la capacité et l’aspiration d’une personne à migrer.

Reste, cependant, que l’immobilité n’est pas toujours involontaire. Certaines populations expriment un fort désir de rester, s’opposant parfois à la réinstallation prévue. Ces communautés possèdent de précieuses connaissances locales de l’habitabilité et un profond attachement au lieu; elles accordent la priorité à la sauvegarde de l’identité culturelle et de la liberté politique. Les risques qu’elles associent à la réinstallation, notamment les menaces qu’elles perçoivent quant à leurs moyens de subsistance, à leurs liens sociaux, à leur sécurité personnelle et à l’accès aux services, l’emportent sur les risques perçus liés aux changements climatiques. Si les programmes de réinstallation peuvent contribuer à l’adaptation, le désir de certaines communautés de rester pourrait s’accroître en réaction à des solutions qu’elles perçoivent comme inadaptées, ou comme menaçant des droits établis. La résistance à la réinstallation peut être le signe d’une méfiance à l’égard du gouvernement, en particulier lorsque des déplacements antérieurs ont entraîné une réduction des possibilités d’emploi, un accès limité aux services et un affaiblissement du capital social.

L’immobilité peut donc être un acte politique de résistance et de défiance à l’égard d’un futur déplacement. Ces résultats vont à l’encontre du discours dominant des politiques et des médias sur les migrations de masse provoquées par les changements climatiques en démontrant que, malgré la dégradation de l’environnement et les risques climatiques, certaines personnes peuvent décider de rester.

Figure 8. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 8. Facteurs se recoupant au niveau de la communauté et de l’individu, influençant les processus de prise de décision individuelle quant à l’immobilité dans des contextes de risque climatique.9

9 Adapté de : Mallick et coll.   « How do migration decisions and drivers differ against extreme environmental events? », Environmental Hazards, vol. 22, no 5 (2023), p. 475 à 497. doi : 10.1080/17477891.2023.2195152

DANS LA MIRE : LA POSITION DE TUVALU SUR LA RÉINSTALLATION INDUITE PAR LE CLIMAT

Face au risque climatique et à ses implications importantes pour la nation insulaire de Tuvalu, le gouvernement affirme son engagement en faveur de l’autodétermination et souligne le droit de la population à prospérer sur sa propre terre : « Tuvalu s’oppose à la réinstallation en tant que solution à la crise climatique, parce que Tuvalu est un pays souverain, et sa population a le droit de vivre, de se développer et de prospérer sur son propre territoire. La réinstallation des populations touchées par le changement climatique constitue une “solution rapide”, mais ne contribue en rien à remédier aux causes profondes de la crise climatique. Parallèlement, Tuvalu cherche à aborder de façon réaliste les questions de perte et de dégradation des terres, et la façon dont celles-ci influent sur la sécurité de la nation. Tuvalu soutient en outre toutes les personnes ayant été déplacées ou ayant migré en raison des changements climatiques. La mobilité humaine a étépratiquée sous diverses formes dans la région du Pacifique, et Tuvalu respecte les décisions des nations du Pacifique qui peuvent choisir la réinstallation comme option. » [traduction] (Te Sikulagi : Te Ataeao Nei – Tuvalu Foreign Policy 2020: Projet Future Now.)

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

Recommandations pour les négociateurs climatiques et les décideurs à différentes échelles.

À l’échelle régionale ou internationale :

  • Inclure l’immobilité (risques et coûts) dans les délibérations sur l’adaptation et les pertes et préjudices, y compris en ce qui concerne l’objectif mondial en matière d’adaptation (Global Goal on Adaptation) et le fonds « pertes et préjudices », afin de remédier aux situations où l’immobilité n’est peut-être pas suffisamment prise en compte par les stratégies d’adaptation. Des recherches plus approfondies sur les coûts de l’immobilité sont nécessaires à l’élaboration de mesures d’adaptation, en particulier pour les groupes marginalisés, afin de réduire le risque global.
  • Élaborer des politiques globales et accorder la priorité aux approches prospectives qui réduisent la nécessité de déménager, améliorent les options de mobilité et protègent les droits des personnes qui envisagent de se relocaliser, de celles qui choisissent de rester et de celles qui s’opposent à la réinstallation. Par exemple, des mesures visant à améliorer la résilience agricole, à mettre en place des régimes d’assurance pour les récoltes, le bétail et les abris, et à promouvoir la migration temporaire et circulaire des moyens de subsistance à l’intérieur et à l’extérieur du pays, comme le souligne le plan d’action du Bangladesh pour la mise en œuvre de sa stratégie nationale sur les déplacements internes 2022-2042.
  • Éliminer les obstacles institutionnels à une migration sûre, ordonnée et régulière aux échelles nationale, régionale et internationale afin de permettre aux individus d’opter pour une stratégie d’adaptation consistant à quitter les zones climatiques à haut risque.

À l’échelle nationale :

  • Réexaminer et réviser les politiques existantes en matière d’adaptation, d’atténuation, de réduction des risques de catastrophe et de renforcement de la résilience afin de s’attaquer concrètement à la question de l’immobilité climatique. Les décideurs politiques ont souvent tendance à négliger l’immobilité par rapport aux migrations induites par le climat, aux déplacements dus aux catastrophes et à la sécurité internationale; seule une minorité de plans nationaux d’adaptation (PNA) et de CDN intègrent des considérations relatives aux populations qui ne peuvent ou ne veulent pas se déplacer.
  • Reconnaître l’immobilité (y compris l’immobilité temporaire et la résistance symbolique) comme une composante des réponses locales aux risques climatiques afin d’élaborer des politiques nuancées et centrées sur l’humain pour répondre aux besoins des migrants et des non-migrants dans des contextes temporels et politiques précis. Par exemple :
    • La stratégie nationale du Bangladesh sur la gestion des déplacements internes (2021) soutient que « les personnes déplacées devraient en principe être en mesure de choisir leur lieu de vie tout en étant déplacées et de réévaluer volontairement ces décisions une fois que les raisons de leur déplacement ou les obstacles à leur retour volontaire ont cessé d’exister ». [traduction]
    • Les directives relatives à la réinstallation planifiée dans les îles Salomon définissent une catégorie de « personnes qui choisissent de ne pas participer à la réinstallation planifiée » afin d’englober les personnes « qui ont le droit de participer à une réinstallation planifiée (du fait, par exemple, de leur appartenance à la communauté concernée) mais qui choisissent de ne pas le faire ». [traduction]
  • Accorder la priorité aux approches participatives, inclusives et communautaires dans l’élaboration des politiques migratoires, et éviter les approches descendantes qui pourraient être inefficaces, inadaptées et risquent même de susciter des résistances. Les lignes directrices relatives à la réinstallation planifiée dans les îles Salomon sont illustratives à cet égard, puisqu’elles prévoient qu’« une réinstallation réussie peut nécessiter des consultations sur plusieurs générations » et que « toutes les communautés ont un rôle central à jouer dans la définition de leurs besoins et de leurs aspirations futurs en ce qui concerne la réinstallation, l’adaptation au climat et le développement durable, et sont en mesure de diriger le processus avant, pendant et après la réinstallation à proprement parler ». [traduction]

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9 – De nouveaux outils pour opérationnaliser la justice permettent une adaptation climatique plus efficace

POINTS CLÉS

  • La mise en œuvre équitable de l’adaptation profite à tous et permet d’éviter les erreurs d’adaptation, mais la plupart des plans d’adaptation négligent les aspects liés à la justice.
  • Un indice de justice en matière d’adaptation propose une planification collaborative à long terme de l’adaptation transcendant les échelles sociales et temporelles.
  • Les logiques d’adaptation articulent les valeurs et les aspects pratiques d’un plan d’adaptation.
  • Il ressort des efforts d’adaptation menés au niveau local que, lorsque les projets sont conçus et mis en œuvre et les fonds, gérés à l’échelle locale, il en résulte une forme d’adaptation plus juste.

LA PERSPECTIVE EXPLIQUÉE

L’adaptation face aux changements climatiques est inégale, en grande partie à cause d’une conception, d’un financement et d’une mise en œuvre injustes. Les Rapports sur le déficit de l’adaptation au climat du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) mentionnent de plus en plus souvent les questions de justice. L’adaptation est reconnue comme étant plus efficace lorsqu’elle est axée sur la justice, mais les conceptualisations de la justice en matière d’adaptation et les personnes les plus vulnérables – qui sont également les plus touchées par les changements climatiques – se trouvent encore négligées dans sa planification et sa mise en œuvre. À l’échelle mondiale, du fait d’un suivi, d’une évaluation et d’un apprentissage limités, il existe peu de preuves de l’étendue de la justice dans les résultats des stratégies et des plans d’adaptation. On constate également un manque de considération des divisions sociales, telles que la pauvreté, le sexe et l’appartenance ethnique. Une approche intersectionnelle, qui pourrait permettre de mieux saisir les formes que prennent la vulnérabilité et le risque, est rarement adoptée.

Tout en reconnaissant l’importance des processus physiques, les recherches récentes sur la justice en matière d’adaptation mettent l’accent sur les structures socio-économiques qui déterminent la vulnérabilité au climat et rendent l’adaptation inaccessible à de nombreuses personnes – et destructrice pour certaines. Les plans d’adaptation perçus comme injustes peuvent susciter une certaine résistance. Les exemples comprennent la réinstallation forcée (voir Perspective 8), l’imposition de cultures vivrières et de pratiques technocratiques (voir Perspective 10), l’absence de participation à l’élaboration des plans, ou l’application d’étiquettes comme celle de « réfugié climatique ».

Les facteurs qui produisent des résultats injustes agissent à différentes échelles. À l’échelle internationale, le financement insuffisant et les biais structurels des mécanismes de financement reflètent l’absence de justice recognitive et procédurale (voir la figure 9 pour la façon dont nous opérationnalisons ces concepts). Cette lacune empêche les fonds de parvenir à ceux qui en ont le plus besoin, ce qui entrave les mécanismes de justice distributive et réparatrice comme la compensation des pertes et préjudices. De nombreuses communautés ne sont pas en mesure de satisfaire aux lourdes exigences de production de rapports liées à la plupart des sources de financement. De même, les fonds destinés à faire face aux pertes et aux préjudices devraient être facilement accessibles aux communautés dans le besoin, par l’intermédiaire de subventions.

Nous soulignons ici trois avancées conceptuelles récentes pour la justice en matiere d’adaptation dans la pratique : l’indice de justice en matière d’adaptation, les logiques d’adaptation et les efforts d’adaptation menés au niveau local.

L’indice de justice en matière d’adaptation propose de passer d’un modèle étroit d’engagement des parties prenantes à des partenariats de collaboration complets à long terme pour une justice procédurale et distributive. Il s’applique à toutes les échelles de l’organisation sociale et tient compte des implications à court et à long terme des mesures d’adaptation. Il cadre avec les récents travaux qui considèrent l’adaptation et la maladaptation comme les pôles d’un continuum, plutôt que comme des types d’action distincts.

Les logiques d’adaptation sont des voies qui guident les priorités, les actions et les résultats. Elles ne sont pas axées que sur les solutions techniques en matière d’adaptation, et peuvent intégrer des solutions visant à améliorer les moyens de subsistance et le développement durable. Les logiques positives favorisent l’égalité et réduisent la vulnérabilité. De nombreux projets d’adaptation ne reposent pas sur des logiques explicites, ce qui reflète des lacunes en matière de justice procédurale et épistémique. Des logiques d’adaptation transparentes et bien conçues, avec des avantages bien formulés, contribuent à réduire au minimum la répartition inégale de ces avantages. Pour parvenir à la justice, nous devons planifier un large éventail d’avantages liés à l’adaptation s’articulant autour de la réduction de l’exposition, de la diminution de la sensibilité et de l’augmentation de la capacité d’adaptation. De solides logiques d’adaptation permettent également un suivi efficace des différentes composantes de la justice, une évaluation efficace de celles-ci et un apprentissage efficace.

Les efforts d’adaptation menés au niveau local peuvent favoriser les initiatives ascendantes dans le respect de l’autonomie des communautés tout en permettant la mise en commun des connaissances et en renforçant les capacités. Il a récemment été démontré que cette approche favorisait des résultats plus justes dans la planification et la mise en œuvre de l’adaptation.

Figure 9. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 9. Une perspective quant aux composantes de la justice en matière d’adaptation et aux implications dans la planification et les processus d’adaptation.10

10 D’après : (1) Juhola et coll. « Connecting climate justice and adaptation planning: An adaptation justice index. », Environmental Science and Policy, vol. 136 (2022), p. 609 à 619. doi : 10.1016/j.envsci.2022.07.024; (2) Orlove et coll. « Placing diverse knowledge systems at the core of transformative climate research. », Ambio, vol. 52 (2023), p. 1431 à 1447. doi : 10.1007/s13280-023-01857-w

DANS LA MIRE : IL EST POSSIBLE D’ACCROÎTRE LA RÉSILIENCE DANS TOUTES LES RÉGIONS ET COMMUNAUTÉS EN TENANT COMPTE, DANS LES PLANS D’ADAPTATION, DE LA JUSTICE EN MATIÈRE D’ADAPTATION

Partout, les gens réagissent aux nouvelles réalités climatiques, mais les processus de planification délibératifs peuvent aboutir à des résultats meilleurs et plus justes. Les communautés dont les processus sont plus participatifs sont plus susceptibles de concevoir des plans d’adaptation justes et conformes à leurs valeurs.

En s’appuyant sur les connaissances autochtones et sur des données scientifiques, les villageois de Fidji ont planifié leur propre réinstallation des villages côtiers touchés par l’érosion côtière et l’intrusion de l’eau salée. Cette décision a été rendue possible grâce aux lois sur l’utilisation des terres qui autorisent la réinstallation, ce qui a permis de soutenir les moyens de subsistance par l’élargissement de l’accès aux ressources terrestres et marines, et de préserver les valeurs culturelles et les liens avec les sites rituels.

L’ouragan Harvey dans le comté de Harris, au Texas (États-Unis), a révélé des lacunes dans la planification de l’adaptation, les quartiers à faibles revenus ayant été particulièrement touchés, surtout ceux situés en dehors des zones inondables. Ces communautés n’ont reçu aucun avertissement, car elles n’étaient pas considérées comme présentant un risque élevé.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

Recommandations pour les négociateurs climatiques et les décideurs à différentes échelles.

Dans un contexte international :

  • Augmenter et améliorer l’accès aux fonds pour promouvoir la justice procédurale. Par exemple, le fonds pour les pertes et préjudices devrait être facilement accessible aux communautés dans le besoin, par l’intermédiaire de subventions.
  • Demander une analyse explicite et claire des implications en matière de justice (à court et à long terme) des projets d’adaptation proposés et soutenus par des fonds climatiques multilatéraux et bilatéraux tels que le Fonds d’adaptation et le Fonds vert pour le climat.
  • S’orienter vers des partenariats de collaboration équitables en intégrant les voix marginalisées dans les processus de prise de décision, en veillant à l’égalité d’accès aux ressources et en opérant à toutes les échelles de l’organisation sociale.
  • Promouvoir un mécanisme permettant de tirer des leçons des initiatives d’adaptation en cours :
    • Assurer un suivi des mesures d’adaptation, les évaluer et en tirer des enseignements, en accordant une attention particulière, dans les stratégies et les plans d’adaptation, aux effets qui pourraient différer selon le sexe et l’appartenance ethnique.
    • Mettre l’accent sur les « boucles d’apprentissage » et veiller à ce que les enseignements tirés des évaluations soient intégrés dans l’élaboration des stratégies d’adaptation futures.
    • Mettre à disposition, à des fins d’apprentissage, des études de cas positives et reproductibles dans le monde entier.

Dans un contexte national :

  • Reconnaître et éliminer les différences de pouvoir préjudiciables entre toutes les parties prenantes dans le processus de planification et de mise en œuvre de l’adaptation, afin de garantir une représentation et une participation équitables.
  • Accroître la capacité d’adaptation grâce à une (dé)réglementation appropriée, comprenant le suivi, l’évaluation et l’apprentissage des différentes composantes de la justice.
  • Promouvoir l’utilisation de nouveaux outils d’opérationnalisation de la justice opérationnelle dans les plans d’adaptation, afin de :
    • Favoriser le développement de « logiques d’adaptation » claires et explicites par les communautés locales, logiques qui protégeraient la communauté en réduisant l’exposition et la vulnérabilité.
    • Veiller à ce que les plans de (re)développement soient évalués selon un « indice de justice en matière d’adaptation ».

Dans un contexte local :

  • Veiller à ce que les acteurs extérieurs n’interfèrent pas dans le processus décisionnel afin que les communautés locales puissent discuter d’une gamme complète d’options d’adaptation appropriées et souhaitables et les évaluer.
  • Veiller tout particulièrement à soutenir la participation des personnes les plus vulnérables et marginalisées aux efforts d’adaptation.
  • Rendre compte des efforts d’adaptation – y compris des enseignements tirés pour travailler avec d’autres options lorsque celles-ci se présentent – à d’autres communautés et à des organisations nationales et internationales dans le cadre des procédures de suivi et d’évaluation.

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10 – La réforme des systèmes alimentaires peut contribuer à une action climatique juste

POINTS CLÉS

  • Les injustices historiques et persistantes, les conditions socio-économiques, les disparités régionales en matière de géographie, de culture et de préparation technologique, ainsi que les déséquilibres de pouvoir dans la gouvernance des systèmes alimentaires ne sont pas, jusqu’ici, suffisamment pris en compte.
  • Reconnaître les injustices et la façon dont elles se trouvent renforcées dans les systèmes alimentaires contemporains pour ensuite y remédier constitue une condition préalable à la réalisation du potentiel d’atténuation des transformations des systèmes alimentaires.
  • Les politiques doivent être conçues en collaboration avec tous les acteurs clés, avec une pluralité de solutions à différentes échelles reflétant la diversité des contextes régionaux.

LA PERSPECTIVE EXPLIQUÉE

À eux seuls, les systèmes alimentaires sont responsables de 31 % des émissions mondiales de GES et sont susceptibles d’entraîner un réchauffement de la planète de l’ordre de 2 °C d’ici à 2100, à moins que des changements significatifs ne soient apportés au statu quo. Parallèlement, plus de 700 millions de personnes souffrent de la faim et les groupes marginalisés tels que les femmes et les filles, les minorités raciales, ethniques et de caste, les peuples autochtones et les petits exploitants agricoles sont touchés de façon disproportionnée par l’insécurité alimentaire et les changements climatiques.

Bien que les disciplines scientifiques s’accordent largement quant à l’urgence de transformer les systèmes alimentaires pour atténuer les effets des changements climatiques, les dialogues et les processus décisionnels actuels sur la gouvernance des systèmes alimentaires demeurent cloisonnés, polarisés (qu’on songe par exemple au débat entre les solutions locales et mondiales) et exclusifs (souvent, les parties prenantes les plus vulnérables ne sont pas activement mobilisées ou sont dominées par d’autres acteurs). Les systèmes de gouvernance actuels sont donc mal équipés pour reconnaître ou négligent délibérément les vulnérabilités sociales, les disparités régionales en termes de géographie, de culture et de conditions socio-économiques, l’état de préparation technologique, les intérêts particuliers et les déséquilibres de pouvoir.

L’industrie agroalimentaire constitue un ensemble de structures qui contribue à la non-durabilité et aux injustices à l’échelle de la planète, et les renforce. Les chercheurs craignent que d’agir d’urgence dans la poursuite d’un avenir alimentaire à faibles émissions de carbone, sans disposer de l’infrastructure de gouvernance et de la capacité de reconnaître et de traiter ces injustices dans les systèmes alimentaires contemporains, n’entrave les transformations vers des systèmes alimentaires sûrs, justes et durables.

De plus vastes plateformes participatives intégrant les communautés marginalisées et les différentes cultures et conçues pour un dialogue sûr, inclusif et franc, doivent être mises en place pour progresser vers des transitions justes en faveur de systèmes alimentaires durables et équitables. L’engagement transdisciplinaire continu auprès des parties prenantes, de la définition du problème à la mise en œuvre de la solution en passant par la collecte de preuves et le contrôle des effets, engendre une co-appropriation des processus politiques, réduit dans toute la mesure du possible le potentiel d’externalités négatives et se traduit par des solutions uniques adaptées aux particularités du contexte. Un régime de gouvernance des systèmes alimentaires caractérisé par la justice et la durabilité est mis en place pour gérer les compromis de façon équitable, en alignant les incitatifs sur l’action et en compensant les pertes, et produit des solutions diverses à toutes les échelles.

Les stratégies relatives aux régimes alimentaires et aux pratiques de production à faibles émissions, ainsi qu’à l’élimination des déchets alimentaires, entre autres, ne peuvent être universelles et doivent tenir compte de l’hétérogénéité régionale, sociale et écologique, des préférences alimentaires, des besoins des petits producteurs, des inégalités en matière d’accès à la nourriture et de gaspillage, du régime foncier et de l’état de préparation technologique. Il convient donc d’explorer une pluralité de solutions, à la lumière des différents contextes et besoins.

Des stratégies visant à limiter l’influence des entreprises, telles que des politiques de concurrence qui tiennent compte des effets d’une concentration excessive du marché, et des mesures visant à renforcer la transparence et à éviter que les profits ne l’emportent sur le droit à l’alimentation, sont également importantes.

Certains chercheurs soulignent par ailleurs la nécessité de réinscrire les systèmes alimentaires dans les circuits régionaux de production et de consommation. D’autres appellent à la reconnaissance d’innovations sociales telles que le jardinage communautaire informel, ainsi que de la précarité du système alimentaire et des dépendances commerciales, afin de garantir la sécurité alimentaire.

La recherche sur les transformations durables montre que les changements fondamentaux des systèmes alimentaires pourraient prendre des décennies, de sorte que l’action ne peut plus être retardée. La suffisance, la régénération, la répartition, les biens communs et l’attention sont autant de principes directeurs qui orientent la restructuration des systèmes alimentaires.

Figure 10. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 10. Des solutions climatiques justes pour la transformation des systèmes alimentaires. Les transformations actuelles des systèmes alimentaires pour l’action climatique sont limitées par une prise de décisions cloisonnée, une prise en compte insuffisante des disparités régionales en matière de géographie, d’innovation et de facteurs socio-économiques, ainsi que des asymétries de pouvoir entre les principaux acteurs, éléments qui font obstacle à une action climatique efficace et aboutissent à des systèmes alimentaires injustes et non viables. L’intégration d’approches plus justes et plus inclusives qui mobilisent et responsabilisent toutes les parties prenantes, en particulier celles qui sont les plus vulnérables aux changements climatiques, y compris la coconception d’une pluralité de solutions avec une répartition équitable des coûts et des bénéfices, peut aider à la transition vers un système de gouvernance plus apte à contribuer à l’action climatique de façon efficace dans l’ensemble du secteur alimentaire.

DANS LA MIRE : UNE LISTE DE CONTRÔLE POUR L’ÉLABORATION DE POLITIQUES EN FAVEUR DE SYSTÈMES ALIMENTAIRES ÉQUITABLES

A.

Analyser les mécanismes actuels de gouvernance du système alimentaire dans la région afin de cerner les injustices existantes, y compris les mécanismes institutionnels qui les perpétuent.

B.

Réformer les dynamiques de pouvoir enracinées qui servent à renforcer les injustices endémiques, et créer des espaces pour que des voix jusqu’alors ignorées puissent se faire entendre dans l’élaboration des politiques et aux dialogues.

C.

Établir et utiliser des régimes de prise de décisions pour favoriser la coconception de politiques et de solutions, en commençant par les étapes initiales de la définition du problème et de la collecte de renseignements, en collaboration avec les petits exploitants agricoles, les communautés marginalisées, les diverses cultures et les secteurs public et privé.

D.

Tenir compte des préférences alimentaires régionales, du contexte socioécologique, de l’état de préparation technologique, des besoins des petits producteurs et des défis sociétaux.

E.

Concevoir des combinaisons de politiques diverses avec des solutions multiples à différentes échelles.

F.

Reconnaître les compromis et compenser les pertes.

Cette liste n’est pas exhaustive, mais constitue un point de départ pour contribuer à la transition vers des systèmes alimentaires plus justes.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

  • Les plateformes internationales devraient mettre l’accent sur la justice dans les approches et la gouvernance de la transformation des systèmes alimentaires en facilitant les dialogues mondiaux et en fournissant des lignes directrices et des recommandations pour la politique [voir l’encadré « Dans la mire », A et E].
    • Un groupe de travail sur les transitions justes a notamment été proposé pour les travaux conjoints de Charm el-Cheikh sur la mise en œuvre de l’action climatique en matière d’agriculture et de sécurité alimentaire. L’accent peut être mis sur d’autres plateformes et dialogues tels que la journée thématique sur l’alimentation, l’agriculture et l’eau lors de la COP28, le Pôle de coordination des Nations Unies sur les systèmes alimentaires et l’Agriculture Innovation Mission for Climate.
    • Les plateformes mondiales devraient également mettre en évidence les enseignements tirés des pratiques agricoles agroécologiques qui privilégient à la fois la santé des sols et le bien-être des agriculteurs. À titre d’exemple, l’initiative Andhra Pradesh Community-Managed Natural Farming (agriculture naturelle gérée par la communauté), à laquelle participent plus de 6 millions d’agriculteurs qui pratiquent l’agriculture biologique et adoptent des méthodes de culture traditionnelles sur 8 millions d’hectares.
  • Les négociateurs et les décideurs internationaux devraient inclure les systèmes alimentaires et l’agriculture dans le fonds « pertes et préjudices ». Par exemple, le fonds peut soutenir les parties prenantes touchées par les changements climatiques et les changements de politiques des systèmes alimentaires par l’intermédiaire de mécanismes prospectifs, agissant comme un filet de sécurité financier [Dans la mire : F].
    • À titre illustratif, les agriculteurs qui ont reçu une aide financière du Fonds central d’intervention d’urgence en prévision d’une inondation au Bangladesh en 2020 ont été plus enclins à déplacer leur bétail et ont bénéficié d’une plus grande stabilité financière après la catastrophe.
  • Les décideurs politiques à l’échelle nationale doivent accorder la priorité à la mobilisation des populations marginalisées et intégrer aux politiques nationales telles que les CDN, les PAN et les stratégies et plans d’action en matière de biodiversité une perspective de justice dans les systèmes alimentaires et les engagements agricoles [Dans la mire : C, D].
    • Bien que les mesures relatives aux systèmes alimentaires aient augmenté dans les CDN actualisées, moins de 50 % d’entre elles mentionnent les petits exploitants agricoles, les peuples autochtones et les communautés locales dans ces mesures.
    • Parmi les CDN actualisées faisant référence à ces acteurs, mentionnons celles de l’Égypte. Les nouvelles CDN du pays comprennent des évaluations des risques propres à la topographie et des approches participatives mobilisant les agriculteurs, les groupes de la société civile et les coopératives, invités à se prononcer quant aux pratiques agricoles à l’épreuve des changements climatiques dans l’ensemble du pays.
  • Les décideurs politiques locaux et régionaux devraient adopter d’autres approches de gouvernance des systèmes alimentaires, telles que des conseils sur les politiques alimentaires qui pourraient servir d’espaces de rassemblement pour les parties prenantes de différents secteurs et disciplines dans le cadre de dialogues et de consultations ouverts [Dans la mire : A, B et C].

Vidéo

Abréviations

CCNUCC
Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques

CDB
Convention sur la diversité biologique

CDN
contributions déterminées au niveau national

CP
Conférence des parties à la CCNUCC

EDC
élimination du dioxyde de carbone

GES
émissions de gaz à effet de serre

GIEC
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat

Gt
gigatonnes – unité de masse mesurant 1 milliard de tonnes métriques

MRV
surveillance, déclaration et vérification

PAN
plans nationaux d’adaptation

SfN
solutions fondées sur la nature

Remerciements

L’élaboration du rapport original en anglais a été dirigée par Future Earth, The Earth League et le Programme mondial de recherches sur le climat. Elle a été rendue possible, en partie, grâce au soutien financier de Formas – un conseil suédois de la recherche pour le développement durable (subvention de communication no 2021-00273).

La traduction vers le français du présent rapport a été réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia, la Durabilité à l’Ère Numérique et le pôle canadien de Future Earth avec l’apport financier des Fonds de recherche du Québec (FRQ) et du Leadership en innovation environnementale, numérique et durable (LIEN-D).

Nous reconnaissons le travail des personnes suivantes dans leurs capacités respectives :

COMITÉ ÉDITORIAL DU RAPPORT ORIGINAL
Wendy Broadgate – Secrétariat de Future Earth, Suède
Mercedes Bustamante – Université de Brasilia, Brésil
Josep Canadell – Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO), Australie
Deliang Chen – Université de Göteborg, Suède
Helen Cleugh – Université nationale australienne, Australie
Kris Ebi – Université de Washington, États-Unis
Sabine Fuss – Mercator Research Institute on Global Commons and Climate Change (MCC), Allemagne
Shuaib Lwasa – Université Erasmus de Rotterdam, Pays-Bas
Aditi Mukherji – CGIAR, Inde
Chukwumerije Okereke – Université de Reading, Royaume-Uni
Nadia Ouedraogo – Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, Éthiopie
Åsa Persson – Stockholm Environment Institute, Suède
Johan Rockström – Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), Allemagne; Université de Potsdam, Allemagne
Regina Rodrigues – Université fédérale de Santa Catarina, Brésil
Joyashree Roy – Asian Institute of Technology, Thaïlande
Lisa Schipper – Université de Bonn, Allemagne
Peter Schlosser – Université d’État de l’Arizona, États-Unis
Youba Sokona – African Climate Policy Centre, Mali
Detlef Stammer – Université de Hambourg, Allemagne
Rowan Sutton – Université de Reading, Royaume-Uni

ÉDITEURS-COORDONNATEURS DU RAPPORT ORIGINAL
Clea Edwards – Université d’État de l’Arizona, États-Unis
Daniel Ospina – Secrétariat de Future Earth, Suède

ÉDITEURS-COORDONNATEURS DE LA VERSION FRANÇAISE
Rachelle Fox – Durabilité à l’Ère Numérique, Canada; Future Earth, Canada
Marie d’Acremont – Durabilité à l’Ère Numérique, Canada; Future Earth, Canada
Micheline Ayoub – Durabilité à l’Ère Numérique, Canada; Future Earth, Canada
Youba Sokona – Vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) pour le sixième cycle de son rapport


AUTEURS DES CHAPITRES DU RAPPORT ORIGINAL

PERSPECTIVE 1
Laura Pereira – Université de Witwatersrand, Afrique du Sud; Université de Stockholm, Suède
Norman J. Steinert – NORCE Norwegian Research Centre, Norvège; Bjerknes Centre for Climate Research, Norvège
Nico Wunderling – Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), Allemagne; Université de Stockholm, Suède
Kirsten Zickfeld – Université Simon-Fraser, Canada

Coordonnatrice pour la perspective :
Sophie Hebden – Secrétariat de Future Earth, Suède


PERSPECTIVE 2
Ploy Achakulwisut – Stockholm Environment Institute, Thaïlande
Greg Muttitt – International Institute for Sustainable Development, Suisse
Gregor Semieniuk – Université du Massachusetts à Amherst, États-Unis
Gregory Trencher – Université de Kyoto, Japon

Coordonnatrice pour la perspective :
Sunhee Suk – Secrétariat de Future Earth, Japon; Université de Nagasaki, Japon


PERSPECTIVE 3
Oliver Geden – German Institute for International and Security Affairs, Allemagne
Zeke Hausfather – Stripe, États-Unis; Berkeley Earth, États-Unis
Gregory Nemet – Université du Wisconsin à Madison, États-Unis
Julia Pongratz – Ludwig-Maximilians-Universität, Allemagne; Max Planck Institute for Meteorology, Allemagne

Coordonnateur pour la perspective :
Aaron Redman – Université d’État de l’Arizona, États-Unis; Monitoring and Evaluating Climate Communication and Education Project (MECCE), Canada


PERSPECTIVE 4
Ana Bastos – Max Planck Institute for Biogeochemistry, Allemagne
Marco Fernández-Martínez – Centre for Ecological Research and Forestry Applications (CREAF), Espagne
Nicolas Gruber – ETH Zürich, Suisse
Judith Hauck – Institut Alfred Wegener, Helmholtz Centre for Polar and Marine Research, Allemagne
Prabir Patra – Japan Agency for Marine-Earth Science and Technology (JAMSTEC), Japon; Research Institute for Humanity and Nature (RIHN), Japon
Anja Rammig – Université technique de Munich, Allemagne

Coordonnatrice pour la perspective :
Maria Martin – Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), Allemagne


PERSPECTIVE 5
David Obura – CORDIO East Africa, Kenya
Tom Oliver – Université de Reading, Royaume-Uni
Yunne-Jai Shin – Université de Montpellier, France

Coordonnatrices pour la perspective :
Tanja Blome and Maria Wolff – Climate Service Center Germany (GERICS), Allemagne


PERSPECTIVE 6
Thomas L. Frölicher – Université de Berne, Suisse
Luke Harrington – Université de Waikato, Nouvelle-Zélande
Colin Raymond – Université de Californie, Los Angeles, États-Unis
Lisa Thalheimer – United Nations University Institute for Environment and Human Security, Allemagne; Université d’Oxford, Royaume-Uni
Vikki Thompson – Royal Netherlands Meteorological Institute (KNMI), Pays-Bas
Jiabo Yin – Université de Wuhan, Chine
Jakob Zscheischler – Helmholtz Centre for Environmental Research, Allemagne; Technische Universität Dresden, Allemagne

Coordonnateur pour la perspective :
Aaron Redman – Université d’État de l’Arizona, États-Unis; Monitoring and Evaluating Climate Communication and Education Project (MECCE), Canada


PERSPECTIVE 7
Anubha Aggarwal – Université technologique de Delhi, Inde
Matthias Huss – ETH Zürich, Suisse
Anjal Prakash – Indian School of Business, Inde
David Rounce [auteur principal] – Université
Carnegie Mellon, États-Unis

Coordonnateur pour la perspective :
Cristobal Reveco – Climate Service Center Germany (GERICS), Allemagne


PERSPECTIVE 8
Carol Farbotko – Université Griffith, Australie
Bishawjit Mallick – Université d’Utrecht, Pays-Bas
Mark Pelling – University College London, Royaume-Uni
Tasneem Siddiqui – Université de Dhaka, Bangladesh
Kees van der Geest – United Nations University Institute
for Environment and Human Security, Allemagne

Coordonnatrice pour la perspective :
Paula Mirazo – Université d’état de l’Arizona, États-Unis


PERSPECTIVE 9
Edward Carr – Université Clark, Massachusetts, États-Unis
Saleemul Huq – International Centre for Climate Change & Development (ICCCAD), Bangladesh; International Institute for Environment & Development (IIED), Royaume-Uni; Université indépendante du Bangladesh (UIB), Bangladesh
Ma. Laurice Jamero – Manila Observatory, Philippines
Sirkku Juhola – Université d’Helsinki, Finlande
Ben Orlove – Université de Columbia, États-Unis
Saskia Werners – United Nations University Institute
for Environment and Human Security, Allemagne; Wageningen University & Research, Pays-Bas

Coordonnateur pour la perspective :
Giles Sioen – Secrétariat de Future Earth, Japon; National Institute for Environmental Studies, Japon


PERSPECTIVE 10
Aniek Hebinck – Université Erasmus de Rotterdam, Pays-Bas
Steven McGreevy – Université de Twente, Pays-Bas
Odirilwe Selomane – Université de Pretoria, Afrique du Sud
Vartika Singh – Université Humboldt de Berlin, Allemagne; International Food Policy Research Institute (IFPR), Inde; Indian Institute of Management, Inde

Coordonnatrice pour la perspective :
Nilushi Kumarasinghe – Secrétariat de Future Earth, Canada; Durabilité à l’Ère Numérique, Canada

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